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La terre oubliée
9 mars 2009

Chapitre VI - 2 -

Au matin, ils remontèrent en selle sans perdre un instant, piquèrent des éperons et lancèrent ainsi leurs chevaux au galop.

La plaine qu’ils traversaient était couverte d’une herbe rase et jaunâtre, comme brûlée par un soleil trop fort. Nulle trace de vie ne s’apercevait à l’horizon, nul oiseau dans le ciel, il leur semblait traverser un désert ou tout avait été détruit par un feu puissant et ravageur. Elle semblait s’étendre à perte de vue, avec pour seul repère dans cette uniformité un ensemble de collines vers lequel ils se dirigeaient à vive allure.

Ils galopèrent ainsi pendant environ deux heures, poussant leurs chevaux aux limites de l’épuisement, tant ils leur tardaient d’atteindre enfin leur but, et tant leur semblait obsédant et vital de connaître la source du bruit qui les accompagnait.

Zohan, voyant son cheval, pourtant le plus rapide du lot, ralentir et souffler, leva le bras et cria aux autres de s’arrêter. Tous stoppèrent sauf Myriana qui continua sur quelques mètres. Ne sentant plus la présence du jeune homme à ses cotés, elle ralentis et se retourna l’air agacé.

- Pourquoi vous arrêtez vous ? Cria t’elle. Nous sommes encore loin !

Pour toute réponse, Zohan montra les chevaux, fumant de sueur et soufflant, les naseaux couverts d ‘écume. La jeune fille obéis, malgré son envie de continuer encore. D’une pression des cuisses, elle fit faire demi-tour à son étalon. Elle sentait entre ses jambes, sa monture trembler suite à l’effort qu’elle lui avait demandé, elle sauta à bas de son cheval et lui flatta l’encolure. L’animal posa sa tête sur l’épaule de sa cavalière, reconnaissant de cet instant de répit qu’elle lui accordait, puis s’éloignât un peu d’elle pour brouter l’herbe rase, choisissant avec soins les brins qui lui semblaient les plus tendres.

- Ils ont besoin de repos, déclara Kemald. Ils ne pourront nous conduire encore bien loin si nous continuons à ce rythme.

Tallié le regarda, l’air étonné. C’était une longue déclaration pour un homme habituellement si taciturne. Les seuls sons qu’ils avaient jusque-la entendu de sa part étaient des grognements intelligibles, ou des remarques de mépris à l’égard de Myriana. Lui qui était si dur envers les humains, à commencer par lui-même, était empli de respect pour les chevaux. Il semblait les comprendre d’instinct et éprouvait pour eux une sorte d’amour mêlé d’admiration, et ceux-ci, sentant cet état de fait, le lui rendaient bien.

Korthord approuva :

- Nous aussi nous avons besoin de repos. Regardez, le soleil est à son zénith. Il est temps de se restaurer. Nous devrions atteindre ces collines vers la fin de l’après midi. Heu… ajouta t’il en se tournant vers Myriana, savez vous ce qu’il y a derrière demoiselle ?

La jeune femme hocha la tête et murmura comme pour elle-même :

- La fin d’une époque…

Elle stoppa net les questions que son étrange réponse soulevait dans l’esprit de ses compagnons.

- Vous verrez, nous touchons au but. Plus de questions pour l’instant s’il vous plait.

Elle s’assit alors dans l’herbe, à l’écart du groupe d’homme, plongée dans ses réflexions, rythmant inconsciemment de ses doigts le bruit persistant.

Cosar distribua à chacun une part de nourriture et ils mangèrent en silence. Ils étaient tous perdus dans leurs pensées. La dernière réflexion de Myriana leur était incompréhensible. Comment le fait d’atteindre leur but pouvait marquer la fin d’une époque ? La gravité de la jeune fille lorsqu’elle avait murmuré ces mots, et son silence tenace depuis les préoccupaient. Quel allait etre la nature des dangers qu’ils allaient devoir affronter ?

Secouant la tête pour chasser ces sombres pensées, Zohan se releva :

- Il est temps ! Allons y !

Kemald rassembla les chevaux, reposés à présent, et ils remontèrent en selle. Ils lancèrent à nouveau leurs montures au galop, galvanisés par l’approche des collines qui se découpaient distinctement dans le ciel.

Les chevaux commençaient à nouveau à montrer des signes de fatigue lorsqu’ils arrivèrent aux pieds des vallonnements. Là, un décor fascinant s’offrit à leurs yeux.

- Mais… ? Qu’est ce … s’étonna Yorick. Mais oui ce sont des champignons !! Ils sont d’une taille impressionnante !

Devant leurs yeux ébahis s’étendait une foret de champignons, de toutes formes et de toutes couleurs, leurs pieds aussi gros que les troncs de certains arbres, et leurs corolles s’élevant doucement vers le ciel. Certains étaient si serrés entre eux qu’ils ne permettaient pas le passage d’un homme, et encore moins d’un cheval, pourtant il leur fallait traverser cet amas étrange s’il voulait atteindre le sommet des collines.

Sur un signe de Zohan, Kemald descendit de cheval et entreprit de leur frayer un chemin à l’aide de sa fidèle hache. Bientôt, et à grand renfort de muscle, il avait réussi à ouvrir un couloir assez grand pour y pénétrer. Sa voix leur parvint un peu étouffée.

- Venez ! il y a un passage la.

Les autres, tenant leurs montures par la bride, pénétrèrent à sa suite dans le surprenant bois. La température baissât d’un coup lorsqu’ils ne furent plus sous les feux ardents du soleil. La fraîcheur, qui d’abord leur parut rafraîchissante, se fit très vite plus pénétrante, plus humide. Ils ne purent s’empêcher de frissonner. Ils rejoignirent le guerrier qui les attendait devant ce qui semblait être une piste montant à flanc de la colline.

- Je ne sais pas si c’est raisonnable d’aller par là, lui dit Korthord, mais c’est le seul chemin. Et votre hache ne pourra pas nous ouvrir une voie plus directe vers les sommets.

Zohan hocha la tête, tirât son épée et commença à grimper. La montée se faisait en pente douce. La piste qu’ils suivaient semblait ancienne. Ca et là apparaissaient des pavés de formes régulières, comme taillés par une main humaine.

- Cela ressemble à une vieille route, remarqua Tallié. Si ce n’était ce déroutant décor, on se croirait revenu dans nos provinces.

- Il semble que nous ayons rejoins l’ancienne voie centrale, lui dis Myriana qui marchait à ses cotés. Je l’ai vu sur les cartes que m’ont montrées les Anciens. Cette route allait des montagnes Rimor jusqu’aux différents postes de garde installés un peu partout dans les Territoires du Sud. Il devrait y en avoir un au sommet de ces collines.

Tallié sentit le regard que lui jeta Zohan, lui intimant le silence, et préféra garder pour plus tard les questions qu’il comptait poser à la jeune femme. Il se concentra sur la montée, et sur les bruits environnants. Mais rien ne lui paraissait anormal, si ce n’est que le « cœur » était comme étouffé par l ‘épaisseur des champignons. C’était, à son point de vue, très agréable de pouvoir à nouveau percevoir autre chose que ce bruit incessant et trop régulier pour être normal.

Mais ce répit ne fut que de courte duré. Déjà le bruit reprenait de l’ampleur, dans le même moment que la lumière se faisait plus vive. Les troncs s’espaçaient, se raréfiaient. Ils arrivaient à la sortie de cette extraordinaire foret.

Ils se remirent en selle, et maintinrent leurs chevaux au pas le long de la voie qui continuait vers le sommet. Yorick se retourna pour embrasser du regard une dernière fois le splendide paysage qui se proposait à lui. Au premier plan, les chapeaux des champignons offraient un spectacle multicolore, bien tranché par le jaune de la plaine qu’ils avaient traversé. Et dans le lointain, se mouvait au gré du vent le feuillage de la foret qui lui paraissait magnifique malgré les dangers qu’elle recelait.

Il rejoignit ses compagnons en haut de la colline. Rien n’indiquait la présence même ancienne d’une quelconque habitation, à l’exception de quelques pierres entassées dans un coin, comme si elles résultaient de l’éboulement d’une construction. Si poste de garde il y avait eu, celui ci avait été détruit il y a bien longtemps maintenant.

Myriana tendit le bras montrant le lointain à ses compagnons. Le soleil qui commençait à descendre se reflétait sur une étrange surface. Ses rayons étaient renvoyés vers le ciel, comme s’il s’agissait d’un lac.

- Voilà notre but, dit’elle le visage rougit par le soleil couchant. Nous devrions l’atteindre dans la matinée demain. Descendre de ces collines de nuit me parait trop hasardeux pour les bêtes. Nous camperons ici.

Ils reprirent la route à l’aube. En se rapprochant, les jeunes gens purent constater que ce qu’ils avaient pris pour de l’eau était en fait le toit d’une immense construction. Ils arrêtèrent leurs chevaux, émerveillés par la beauté et le gigantisme de ce bâtiment. Il s’agissait plus exactement de deux édifices cote à cote. Le premier était très haut et surmonté d’un toit en forme de demi-cercle. Il n’était pas fait d’ardoise comme les toits dans les provinces impériales, mais d’une matière qui rougeoyait sous le soleil. Le second, beaucoup plus petit, était de forme rectangulaire, plus naturelle a leurs yeux. Il ne semblait ne pas avoir de fenêtre. La seule porte qu’ils pouvaient distinguer se trouvait sur le plus petit des édifices. La végétation avait ça et la poussé, mais sans parvenir à entamer, ni même à réellement grimper le long des murs. Aucune fissure, ni lézarde n’apparaissaient sur ceux-ci. Ils paraissaient  à la fois lisses et solides, a l’épreuve du temps. Le bruit dont ils cherchaient l’origine était ici le plus fort, presque assourdissant, et même amplifié par la cuvette dans laquelle ils se trouvaient. Il semblait sortit directement de ces bâtiments. Il était si intense qu’il leur semblait à l’unisson avec leurs propres cœurs.

Ils restaient là, sans dire mot, à admirer ces constructions étranges, que jamais auparavant ils n’en avaient vu de pareilles, et à sentir dans leur corps se répercuter les palpitations de ce bruit qui les avait guidé jusqu’ici. Un murmure rompit alors leur silence, Myriana, dressée sur son cheval regardait les bâtiments, l’air d’avoir enfin atteint son but.

- Le laboratoire des Hommes…. Chuchota t’elle

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