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La terre oubliée

20 mars 2009

chapitre VIII - 2 -

Au bord du lac, il s’installèrent pour la nuit. Le feu autour duquel ils étaient assis crépitait, des brindilles enflammées s’envolaient vers le ciel, ajoutant à leurs yeux, l’espace de quelques secondes des étoiles plus brillantes et plus proches. Pirios peu habitué aux longues chevauchées, s’endormit des le repas avalé. Les ronflements du savant s’élevèrent bientôt, promesse pour lui d’un repos mérité. Cosar, souffrant toujours de la cheville, s’étendit, quelque peu assommé par un mélange d’herbes médicinales que lui avait administré Myriana. Sa respiration se fit vite plus paisible, et il joignit son souffle aux ronflements du terrien.

La jeune femme, volontaire pour le premier tour de garde, remit du bois dans le feu pendant que Zohan allait jeter un dernier coup d’œil aux chevaux. A son retour, trop énervé pour dormir, il s’assit aux cotés de Myriana.

La nuit était claire, étoilée. La lune, un instant plutot voilée par les nuages, avait fait son apparition, donnant un air argenté aux feuilles des arbres de la foret toute proche. Son reflet mouvant dans le lac apportait à la nuit une quiétude, une tranquillité que Zohan était loin de connaître dans son cœur. Les évènements récents, la présence de la jeune femme, le rendaient incapable de prendre du repos, malgré la fatigue accumulée au cours de ces derniers jours.

Le calme, la sérénité de Myriana le touchait plus qu’il ne l’aurait voulu. Il était attiré par sa force d’esprit, son charisme. L’indépendance, le courage, la volonté d’aller de l’avant dont elle faisait preuve à tout instant forçaient son admiration.

Il l’observait à la dérobée. Elle semblait ailleurs, tisonnant le feu à l’aide d’un baton, le visage rougi par les flammes qui paraissaient danser dans ses yeux. De temps en temps, attirée par un bruit, elle détournait son regard du feu et le portait sur la foret. Elle tentait de sonder les bois, guettant dans le noir un mouvement. Puis, rien ne bougeant, elle reprenait tranquillement son jeu avec les flammes, ainsi que le cours de ses pensées.

Contrairement à Zohan, elle percevait les implications qu’auraient dans un avenir proche le réveil des trois savants. Elle fronçât les sourcils et se mordit les lèvres, sentant que la vie des habitants de la planète risquait de changer radicalement.

Le futur prince, voyant ces mimiques, signes de soucis, eut envie de la prendre dans ses bras pour effacer de ce visage les sombres pensées qui semblaient le tracasser. Il retint son geste, pressentant que cela l’indisposerait.

- Qu’as tu ? Tu me sembles soucieuse.

Elle leva vers lui son regard vert, haussa les épaules et secoua la tête en signe de négation.

- Rien… juste une impression, un mauvais pressentiment.

- Racontes ! Nous sommes passés par trop d’épreuves ensemble pour que tu gardes cela pour toi. Est ce que cela à quelque chose à voir avec… demanda Zohan en montrant Pirios de la tête.

- Oui… soupira t’elle. Leur façon de vivre est trop différente de la votre ou même de la mienne sur l’ile d’Alea. Ils auront toujours à l’esprit ce sentiment de supériorité qui a causé la perte de la Terre. Je me demande si les réveiller n’a pas été une erreur.

- Alors pourquoi ?

- Pourquoi je les ai réveillé ? C’est simple, le compte à rebours enclenché lors du séisme il y a quinze jours risquait de détruire toute la planète. Je n’avais aucun moyen d’empêcher ce désastre sans eux. Tout s’est déroulé trop vite. Lorsque j’ai entendu la premier fois le compte a rebours, j’ai réussi à envoyer un pigeon à Alea pour demander conseil, mais tout s’est emballé, ma capture par les gardes, votre venue. Je n’ai pas eu de réponse. Il a fallut que je prenne une décision sans l’accord des Anciens. Je ne sais si j’ai bien agit mais je suis sure que l’explosion du laboratoire aurait entraîné des explosions en chaîne, jusqu’au cœur même de cette terre, à coté de laquelle la grande catastrophe n’aurait été qu’une goutte d’eau.

- Ce… heu… compte à rebours, c’est le bruit que nous entendions ? C’est vrai qu’avec tout ce qui s’est passé, j’avais à peine remarqué qu’il avait disparu. Il faut dire aussi que nous en avions tellement pris l’habitude que je n’y faisait plus attention.

- Oui… D’après ce que l’on m’a appris, les terriens avaient mis en place un système de défense. Ce système était relié à un compte a rebours, un décompte du temps restant avant l’anéantissement de la planète. Ils avaient créé un système d’amplification du son afin que tous soient prévenus et que ceux qui en avaient la possibilité puissent fuir à temps.

- Ils voulaient.. détruire la planète !!! s’exclama Zohan, ahuri.

- En cas d’attaque, oui. Tu sais… les terriens ont toujours été jaloux de leurs possessions et ce qu’ils ne peuvent avoir, ils estiment que personne ne doit le posséder. Et puis, si je me souviens bien de mes cours d’histoire, ils étaient en guerre, je ne sais plus contre qui. Les planètes comme celle-ci étaient devenues des sortes de bases arrières.

- Il va alors falloir les garder à l’œil. Ce Marwin, par exemple, ne m’inspire aucune confiance. Mais, ne t’inquiètes pas, nous les surveillerons.

Myriana hocha la tête, et le silence se fit entre eux. Zohan, toujours sensible à la présence de la jeune femme, reprit la parole.

- Parles moi de ton ile natale Myriana.

Ils chuchotaient pour éviter de réveiller Pirios et Cosar dont ils entendaient toujours les souffles réguliers.

- Alea ? Il n’y à rien à en dire. C’est juste une île, hors du temps. Nous y vivons isolés de votre monde, totalement protégés. Les Anciens décident de tout. C’est pour ca que j’ai tout fait pour être nommée Sentinelle, je voulais fuir ce carcan…Ne t’imagines pas que je n’y ai pas été heureuse, au contraire, mon enfance a été des plus douce, mais j’avais besoin d ‘espace, de liberté, de faire mes propres choix et d’assumer mes erreurs.

Zohan sourit en entendant ces paroles. Elles ressemblaient tellement à la Myriana qu’il avait appris à connaître, indépendante, rebelle, indisciplinée.

Imperceptiblement, il s’était rapproché d’elle. Leurs épaules se touchaient presque. Ils étaient si proches l’un de l’autre qu’il pouvait sentir la chaleur de la jeune femme au travers de sa veste de cuir. Il en était troublé. Elle perçu son trouble et leva son visage vers lui, rivant ses yeux dans les siens. Sans comprendre ce qui leur arrivait, leurs lèvres se joignirent dans un long baiser passionné. Les bras de Zohan enserrait la taille fine de la jeune femme, ses mains glissant sous l’épaisse veste de peau dont elle était revêtue. La sentant tressaillir, il se ressaisit et se détacha d’elle. Sa voix se fit rauque :

- Pardonnes moi, je ..  je n’aurais pas du.

- Il n’y a rien à pardonner, lui répondit t’elle en souriant.

Elle avait les pommettes rosies par l ‘émotion et le fixait de son regard émeraude, si limpide qu’il lui semblait contempler un lac tranquille. Quelle différence avec le feu qui couvait dans ses yeux lorsqu’elle s’emballait !

Il lui rendit son sourire, atteignant par cela, au delà de la passion qu’il éprouvait, la compréhension et la plénitude d’un sentiment qu’il savait désormais qu’il était partagé.

- Vas te reposer, lui dit elle. La route est encore longue et cela fait des jours que nous n’avons pas eu d’instant de calme comme celui-ci.

Il acquiesça, se leva, remit d’un geste tendre une mèche de cheveux qui avait glissé sur les yeux de la jeune fille. Il alla s’étendre près de Cosar, ferma les yeux en souriant, confiant dans son avenir, heureux car il savait qu’a son réveil elle serait là.

Ils poursuivirent leur chevauchée, évitant, contrairement à leur premier passage, Pucal et les villages environnants. Ils voulaient éviter les questions sur la présence dans leur troupe d’un homme qui ne ressemblait en rien aux autres habitants de cette terre. L’étonnement de Pirios devant leur façon de vivre était trop flagrant. Il commentait à voix haute tout ce qu’il voyait, demandant sans arrêt le nom des choses qui lui semblaient étranges, trop différentes de celles qu’il connaissait sur la Terre. En traversant les champs, il trouva extraordinaire ce mélange de plantes, à la fois distinctes et à la fois semblables aux plantes terriennes. Ses questions incessantes finissaient par lasser tour à tour les autres membres du groupe. La présence d’une femme se comportant comme un homme pouvait également devenir un sujet de curiosité qu’ils désiraient éviter. Ils pouvaient en galopant cacher l’étrangeté de leur troupe, mais ils ne résisteraient pas à un examen plus poussé.

C’est pour cette même raison, qu’à l’approche de Sarkir, ils ralentirent, s’arrêtant en bordure de la foret domaniale de Meuhr. Trop de monde aux différentes entrées de la ville risquaient de les remarquer et de poser des questions auxquelles ils ne voulaient répondre.

Zohan parti donc seul en direction du palais impérial et revint quelque heures plus tard dans un carrosse fermé, dont la porte était frappée des armoiries impériales, dans lequel ils s’installèrent. Ils purent ainsi passer les portes en toutes discrétion.

Le futur prince se sentait enthousiaste. La fin de sa mission était proche et il avait confiance en la sagesse de l’Empereur pour tenir en respect l’arrogance des terriens. Il souriait, pensant à son père, et à la rencontre de ce dernier avec la troublante et indépendante aleienne assise à ses cotés.

Pirios observait par les fentes du rideau l’animation de la ville impériale. Il était surpris de l’ambiance si vivante qui régnait dans les rues. L’architecture clonique qu’il  n’avait pu étudier jusque là , vu qu’ils avaient évité toutes les villes, l’impressionnait et le fascinait par sa simplicité, sa discrète richesse, son ordonnance. Les maisons de pierres à un seul étage s’échelonnaient le long d’avenues droites et larges. Les rues semblaient toutes converger vers un point central, le palais impérial installé sur les hauteurs.

L’animation des rues montait vers eux, les rires d’enfants jouant, les appels de leurs mères, le cri des marchands ambulants, les bruits des différentes échoppes, tout lui rappelait la terre d’une époque lointaine, avant la technique, avant la conquête spatiale, avant les guerres inter-galactiques. C’étaient, pour les habitants de Sarkir, des scènes de vie ordinaires, mais elles étonnaient le professeur terrien. Il ne comprenait pas comment des êtres crées de toutes pièces avaient pu générer un tel mode de vie, paisible, joyeux, vibrant de vie, touchant par sa simplicité.

Myriana se tourna vers lui, l’arrachant à sa contemplation.

- Sarkir vous plait Professeur ?

- C’est extraordinaire ! Toute cette vie, cette multitude, ces différences !! Et vous dites qu’ils ne connaissent pas la guerre ? Ils n’ont aucun problème de délinquance ?

- Juste un peu de brigandage, mais rien de bien méchant. Les lois instaurées sont juste pour tous, les pauvres comme les riches. La seule chose, c’est … Elle regarda Zohan en souriant, c’est leur façon de traiter leurs femmes. Ho ! Je vous rassure, elles ne sont pas malheureuses, mais elles n’ont pas leur mot a dire sur leur destinée.

Cosar marmonna :

- La place d’une femme est à la maison.

Le rire cristallin de Myriana s’ éleva dans le carrosse.

- Vous voyez ce que je veux dire ? Cosar penses-tu vraiment que ma place soit dans une cuisine ?

- Toi non… Tu es différente.

Ses lèvres s’étirent en un sourire énigmatique.

- Je suis aussi femme que ta mère ou tes sœurs. Ne préférerais tu pas une femme qui soit ton égale plutôt qu’un être qui acquiesce a tout ce que tu dis ? Ne crois tu pas que si on leur laissait la possibilité, vos femmes auraient quelque chose à dire ? a apporter a votre monde ?

Cosar ne répondit pas, préférant le silence à une discussion ou il savait qu’il n’aurait pas l’avantage. Myriana, comprenant les raisons de son silence, sourit et se tut, ne désirant pas embarrasser un homme dont elle respectait le courage.

Le carrosse s’arrêta dans une cour intérieure du palais, près de l’entrée des jardins. Messire Rhaa les attendait, seul. Il les regarda descendre un à un, souriant à Zohan et Cosar. Lorsque ce fut le tour de Pirios, le grand chambellan l’observa longuement. Il entendait résonner dans sa tête les paroles que Zohan lui avait dit quelques heures plus tôt :

- Nous ramenons un étranger que nous avons éveillé la-bas dans les Territoires du Sud. Il est savant en son pays. Il a de nombreuses choses à dire a Sa Majesté.

Il regardait attentivement le professeur, se demandant en quoi il pouvait être si différent, quelles étaient les révélations qu’il avait à faire. Il était tellement pris par l’observation de Pirios qu’il ne remarqua pas Myriana descendre. Ce n’est que lorsqu’elle arriva face à lui, souriante, qu’il remarqua les longues mèches de cheveux qui s’étaient échappées de son turban. Il eut un hoquet de surprise.

- Une femme ici !!! Avec vous ! Et armée de surcroît ! Prince, qu’est ce que cela veux dire ???

- Calmez vous messire Rhaa ! Sans cette femme nous ne serions pas ici vivants pour vous parler.

Le grand chambellan regarda attentivement la jeune aléienne, passant sur sa chevelure indisciplinée, observant d’un air réprobateur les armes passées à sa ceinture et riva son regard au sien. Les yeux francs et clairs de la jeune femme lui plurent et il lui sourit malgré les a-prioris qu’il avait envers les femmes.

- Bon, dit il, vous revenez en bien étrange équipage. Et les autres membres de votre compagnie ? Ou sont ils ? J’espère qu’il ne leur ai rien arrivé.

- Ils vont bien. Pouvez vous nous conduire à Sa Majesté ? Nous avons des informations importantes à lui donner.

- Elle vous attends. Mais … heu.. elle … heu je ne peux autoriser une femme à pénétrer la salle du trône.

La voix de Myriana s’éleva, claire et limpide.

- Toujours ces préjugés ! Il est temps que vous compreniez que les femmes elles aussi peuvent choisir leur destin.

L’étonnement se peignit sur le visage de Rhaa. Il ouvrit la bouche, la referma, regarde tour a tour Cosar qui haussa les épaules, Pirios qui était en admiration devant le palais et n’avais rien remarqué et Zohan qui souriait l’air de dire : elle ne changera jamais.

- Il faut qu’elle soit présente Messire Rhaa, lui signifia Zohan. Sans elle rien n’aurait été possible.

Le grand chambellan secoua la tête, puis se résigna, en voyant que le jeune prince ne démordrait pas de cela. Il leur fit signe de le suivre. Ils traversèrent des couloirs déserts en direction de la salle du trône, Cosar toujours boitillant, et Zohan entraînant un Pirios complètement médusé devant les splendides décorations du palais.

L’Empereur les reçut avec simplicité. Il écouta patiemment ce qu’ils avaient à dire, sans les interrompre, examinant avec soin le professeur et la jeune femme. Il restait maître de lui, ne laissant transparaître aucun des sentiments qu’il pouvait éprouver.

Lorsqu’il prit la parole, ce fut tout d’abord pour féliciter Zohan de la réussite de sa mission.

- Prince ! Je vois que j’avais raison de placer en vous ma confiance. Vous voilà revenu avec de biens étranges nouvelles. Je vais devoir réunir le conseil permanent afin que nous puissions décider des mesures à suivre. Mais, en attendant, je vous nomme des à présent membre de la diplomatie impériale, avec pour mission de raccompagner cette jeune femme chez elle et de prendre contact avec les membres de son gouvernement. Professeur, je vous prie d’accepter notre hospitalité et de vous considérer comme des nôtres.

Pirios inclina la tête en signe d’accord, impressionné malgré lui par la majesté et le charisme qui émanait de cet homme, que même les plus dures révélations n’avait pas désarçonné un instant, ce qui n’était pas le cas du grand chambellan. Messire Rhaa, ayant assisté a tout l’entretien semblait dépassé par les événements. Il était pale et ne pouvait s’empêcher de regarder le terrien avec des yeux ronds, ne voulant pas porter crédit à son histoire, se disant qu’il ne s’agissait que d’affabulations. L’Empereur dut le rappeler à l’ordre à différentes reprises en raison des exclamations et des dénégations qu’il proférait. Sa Majesté dut même lui répéter  plusieurs fois les ordres qu’Elle lui avait donné avant qu’il ne se décida a les exécuter. Il sortit, oubliant dans sa précipitation de saluer l’Empereur, afin de faire préparer un appartement pour Pirios et mettre en œuvre la nouvelle mission de Zohan.

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20 mars 2009

chapitre VIII - 1 -

A ces mots, à l’étage supérieur, la salle s’emplit de cris de joie. Sans trop comprendre à quoi ils avaient échappé, Cosar et Kemald se congratulaient en se donnant de fortes claques dans le dos. Incluant Yorick dans leurs embrassades, il le lâchèrent au bord de l'étouffement, le frêle biologiste du s’appuyer contre le mur afin de reprendre son souffle. Korthord restait à l’écart, regardant en souriant cette scène de liesse. Ses yeux se portèrent sur le couple que formaient Zohan et Myriana. A l’annonce de la bonne nouvelle, la jeune fille s’était tournée vers le futur prince, le sourire aux lèvres, les yeux brillants de bonheur, et ils s’étaient retrouvés, comme par magie, dans les bras l’un de l’autre, en train d’échanger un long baiser. Ils se détachèrent l’un de l’autre avec beaucoup de difficultés et de confusion. Une légère rougeur colora les joues de Myriana, et Zohan baissa les yeux, embarrassé. Ils restèrent là à quelques pas l’un de l’autre, ne sachant quelle attitude adoptée. Cette gêne fut effacée par le retour de Pirios et Tallié qui furent accueillis en héros par le reste du groupe.

Tallié avait un sourire éclatant, les yeux éblouis. Lui d’habitude si prolixe ne disait plus rien. Il était là, au milieu de tout ce qu’il avait recherché au cour de sa brève existence et se sentait le plus heureux des hommes. Son regard ne cessait d’aller des savants à ces machines que Myriana avait appelées ordinateurs. Les signes étranges qui recouvraient la tablette placée devant l’écran ne cessaient de l’attirer et de le dérouter. Doucement, sans s’en rendre compte, il approcha et tendis le doigt pour appuyer sur une de ces touches. Une main douce et blanche arrêta son geste. Surpris, il posa son regard sur cette main dont il sentait la chaleur envahir son poignet. Il releva les yeux et se retrouva inondé de bleu. Ses yeux étaient rivés à ceux d’Helen.

-  Ne touchez à rien, s’il vous plait, lui dit-elle d’une voix tranquille, sans le savoir vous pourriez effacer des données.

- Heu… Je… heu… voulais juste.. bégaya t’il. Il s’arrêta ne sachant que dire, ému par le sourire de la jeune terrienne.

Zohan, voyant son ami se dandiner d’un pied sur l’autre, éclata de rire. Ce rire clair et franc qui s’éleva dans la pièce dissipa l’embarras ressenti par Tallié et il joignit ses rires à ceux de son ami, heureux de leur découverte, heureux de la beauté d’Helen, heureux de se savoir vivant tout simplement.

Pendant que Marvin expliquait la situation à Pirios, Helen, couvée des yeux par un Tallié très intéressé, entreprit de vérifier les données de l’ordinateur.

- Le système énergétique n’a subit aucun dommage. La centrale est toujours opérationnelle, leur dis t’elle, et autonome. Les robots ont continué leurs taches sans problème, remplaçant les pièces usagées. Tiens tiens !!! Voilà qui est intéressant. On dirait qu’un léger séisme se soit produit il y a quelques jours dans cette région, et que l’épicentre ai justement été ici, c’est cela qui a du entraîner la mise en route du compte a rebours. Il a toujours été prévu qu’en cas d’attaque la centrale s’autodétruirait, le séisme a du passer aux yeux d’Elix pour une agression extérieure. Oui tout ça se tient, murmura t’elle en continuant d’examiner les données fournies par l’ordinateur. Par contre… aucun message de la Terre, c’est le black out total. Rien qui puisse expliquer ce qui s’est passé, et quoi que cela ait pu être, rien n’indique qu’ils aient tenté de rétablir les communications. C’est comme si… comme s’ils nous avaient … oubliés.

Disant ces mots, elle se tourna vers ses deux compagnons, blanche comme un linge. Elle lut dans leurs regards toute la détresse qu’elle ressentait elle-même. Et, lentement, la compréhension des derniers événements pris place en elle. 1000 ans, cela faisait 1000 ans qu’ils étaient là, endormis, dans l’attente d’un hypothétique retour vers leur Terre, vers leur famille, leurs amis, leur univers. Même si maintenant le vaisseau apparaissait, rien ne serait pareil, tout ce qu’ils avaient connu avait disparu dans les méandres du temps. Elle clignât des yeux, sentant les larmes monter, et en laissa couler une seule, une larme unique sur son passé à jamais enfui.

Tallié eu instinctivement envie de la prendre dans ses bras, de la consoler, mais le respect qu’il commençait à ressentir pour cette femme qui malgré son chagrin savait rester digne, le retint. Elle effaça toute trace de pleurs de son visage et se tourna vers Myriana :

- Et maintenant ? Que faisons-nous ?

Pirios prit la parole, sa voix était calme, presque détachée.

- Il est inutile de pleurer les morts, cela ne les ramènera pas. Il faut maintenant penser à l’avenir, au notre et au leur. Nous avons ici tout ce qu’il faut pour faire renaître la société telle que nous la connaissions et …

- Non ! Le cri de Myriana le stoppa net. Non Professeur ! Désolée. Votre société, la vie terrienne ne renaîtra pas de ses cendres. Alea ne le permettra pas, nous ne pouvons vous laisser renouveler les erreurs du passé. Regardez ou cela vous a mené avec le missile qui s’est écrasé ici, la Terre a peut être subit une attaque similaire. Ces gens ont institué un mode de vie satisfaisant. Ils n’ont ni délinquance, ni pollution. Il y a bien sur des choses à améliorer, et vos connaissances, notre façon de pensée pourra leur être utile. Mais rien ne doit changer radicalement. C’est leur planète, leur façon de vivre.

L’étonnement se lut sur le visage de Pirios. Il allait répliquer lorsque Marvin, d’une pression de la main, lui imposa le silence.

- Elle a raison, elle sait de quoi elle parle. Les cl… heu .. les habitants de cette planète ne doivent pas connaître notre existence avant d’être prêts à l’accepter, avec toutes les révélations, les conséquences que cela entraîneraient pour eux.

Il lança au professeur un regard appuyé, regard que Zohan fut le seul à capter. Il porta toute son attention sur le jeune savant. Son premier réflexe avait été le recul quand à son attitude envers lui. L’examen qu’il avait voulu lui faire subir lui était resté en travers de la gorge. Il portait sur le visage un air rusé, retord, supérieur que Zohan n’appréciait en aucun façon. Le bruit de la conversation entre Myriana et le reste du groupe lui fit oublier Marwin.

- Nous ne pouvons tous repartir vers Sarkir, expliquait la jeune femme. Une troupe trop nombreuse se ferait remarquer, surtout vous deux, ajouta t’elle en se tournant vers Helenn et Marwin. Vous êtes trop terriens pour passer inaperçus, et de toute manière nous n’avons pas assez de chevaux.

- Mais, de toute façon, déclara Pirios, il faut que au moins l’un d’entre nous reste ici pour tout remettre en marche, et surveiller l’état des installations.

Tallié s’avança, les yeux illuminés par une idée qui venait de lui traverser l’esprit.

- Je resterai. J’aimerai en apprendre plus sur ces… heu… ces ordinateurs.

- Bien ! Intervint Zohan, tu resteras ici en compagnie de Marwin et d’Helenn… Il vit le geste de Yorick. Oui Yorick tu peux rester aussi. Je suppose que tu veux étudier toute cette flore que nous avons traversé. Korthord je vous demande de rester également afin de veiller à leur sécurité.

L’immense garde impérial hocha la tête, caressant distraitement la garde de son épée.

Zohan reprit :

- La nuit doit être tombée dehors, nous repartirons demain à l’aube.

Au petit matin, le groupe de Zohan était équipé de pied en cape pour le voyage de retour. Pirios avait revêtu des vêtements appartenant à Yorick afin de passer, aux yeux des habitants de l’Empire, pour un membre de la troupe.

Zohan faisait ses adieux à Tallié, les autres l’attendaient, déjà montés sur des chevaux piaffant d’impatience.

- Méfies toi de ce Marwin, lui recommanda t’il discrètement. Il ne m’inspire aucune confiance.

Tallié sourit aux mots de son ami, il le savait inquiet de le laisser ainsi avec les deux étrangers.

- Ne t’inquiètes pas, je le surveillerai. Vas maintenant, portes de nos nouvelles à l’Empereur !

Zohan sauta en selle, et sans attendre, donna le signal du départ. Les cinq chevaux partirent à fond de train en direction des collines d’ou ils avaient contemplé le soleil se lever la veille.

Tout en chevauchant, Zohan se remémorait tout les évènements qui en quelques heures avaient bouleversé sa vie. Il y avait moins d’une semaine, il n’était encore que le fils unique du Prince des trois vallées, promit à un avenir certes brillant mais si terne par rapport à l’aventure qu’il vivait maintenant. Son existence avait profondément changé et trop peu de temps pour qu’il soit à même d’analyser ou de comprendre les implications que cela aurait sur son avenir.

L’étonnement de Pirios devant l’amas de champignons géant se transforma en ébahissement à la traversée de la foret, même certains des arbres qui avaient semblé banals aux yeux du groupe d’aventuriers le surprenait. Il ne reconnaissait pas toutes ces espèces. Encore eurent ils la chance de ne pas renouveler les mauvaises rencontres des jours précédents. La traversée des Territoires du Sud fut plus courte au retour qu’a l’aller. Ils connaissaient le chemin et les danger à éviter. Comme à l’aller, Myriana les guidait à l’aide de sa boussole et il purent aller droit à travers la foret en direction des montagnes.

Ils franchirent dans la matinée du troisième jour le tunnel sous les montagnes Rimor. Le passage gardé jusque là secret par Myriana se révéla très utile pour raccourcir le voyage. Zohan demanda à la jeune femme de bien vouloir cacher sa chevelure indisciplinée. Le retour dans l’Empire les obligeait à sauver les apparences et une femme n’avait pas, selon les normes impériales, sa place dans une troupe en armes. Celle-ci, compréhensive, accepta sans sourciller, se disant qu’il serait toujours temps plus tard de bousculer un peu les mentalités.

A la sortie du tunnel, ils tinrent conseil. Ils gardaient en mémoire l’attaque qu’ils avaient subit le jour de leur arrivée dans les Territoires du Sud, ainsi que l’état du poste de garde, détruit vraisemblablement par une de ces araignées géantes. Kemald se proposa de partir en chasse de ce monstre, voulant éviter qu’il n’attaque d’autres habitations. Zohan lui donna son accord, avec d’autant plus de bonne grâce qu’il connaissait son manque de goût pour les mondanités qui les attendaient à Sarkir. Ils se séparèrent donc du jeune guerrier. Cosar aurait aimé l’accompagner, mais sa cheville foulée le faisait toujours souffrir, et il savait ne pouvoir supporter les longues heures de marches que nécessiterait la traque de leur gibier. Les adieux entre les deux amis faits, ils piquèrent des éperons en direction du lac Diurk

12 mars 2009

Chapitre VII - 2 -

Le temps passait lentement, toujours rythmé par le bruit lancinant, plus sourd a ce niveau du bâtiment. L’attente du réveil des scientifiques se prolongeait dans le silence. Pas une parole n’avait été échangée depuis la dernière explication de Myriana. Tous attendaient et guettaient le moindre changement sur les corps et les visages des trois endormis. Enfin, la jeune femme que Zohan veillait bougeât. Elle ouvrit les yeux et clignât des paupières sous l ‘effet de la lumière. Puis elle regarda autour d’elle, et son regard finit par se poser sur Zohan. Elle lui sourit et lui tendit la main pour qu’il l’aida à sortir de son étrange berceau. Elle rejoignit en titubant un peu ses compagnons qui eux aussi s’étaient éveillés et levés. Le plus vieux d’entre eux prit la parole :

- Bonjour mes amis, et merci d’être venu. Je suis le professeur Pirios, voici Helen et Marvin. Je vois que nous sommes toujours sur Exar. Pouvez vous me dire pourquoi le départ n’a pas eu lieu ?

- Oui, lui répondit Myriana, le vaisseau n’est jamais venu. Le professeur Arienor qui devait se joindre à vous et enclencher le processus de départ a voulu au dernier moment emmener sa femme avec vous. Il est donc parti la chercher à Aela et n’a jamais pu revenir.
- Il nous expliquera cela tout à l’heure. En attendant pourriez vous nous dire qui vous etes ?

- Excusez moi nous ne nous sommes pas présentés. Je me nomme Myriana, et voici Zohan et Tallié. Je suis d’Aela…

- Je m’en doute…. Comment ? Vous etes d’Aéla ? et eux d’ou sont ils ? … Ne me dites pas que ce sont des … des clones !!!

- Non, lui dit la jeune fille doucement, ce sont leurs descendants.

Pirios manquât de s’étrangler.

- Leurs descendants ?? Mais les clones ne peuvent pas se reproduire !

- Ecoutez, reprenit Myriana en reprenant un ton autoritaire, nous avons pour l’instant un problème plus urgent. L’explosion du Centre est programmée. L’un de vous a t’il les codes d’accès à la centrale ?

- Oui.. Moi, dit Pirios étonné. Qu’est ce qui a occasionné cette mise en route du compte à rebours ?

- Je ne sais pas, mais maintenant il faut faire vite, le temps presse !

- Ok, j’y vais. L’un de vous peut ‘il m’accompagner ?

Tallié, tant était vif son intérêt pour tout ce qui touchait à la centrale, se porta volontaire. Le professeur Pirios le prit par le bras et l’entraîna vers l’ascenseur. Les portes se refermèrent sur eux.

Apres leur départ, Helen se tourna vers Myriana et l’interrogea :

- Vous dites que le professeur Arienor n’a pas pu revenir, alors dites moi maintenant, cela fait combien de temps que nous sommes ici ?

- Environ 1000 ans.

- 1000 ans ! Ce n’est pas possible ! Mais qu’est ce qui s’est passé ici ?

- D’après les renseignements que nous avons eu, votre départ avait bien été programmé, lorsque le professeur Arienor a reçu des nouvelles inquiétantes de la Terre. Il a voulu que sa femme l’accompagne et il est donc venu la chercher a Aela. Mais quelque chose, nous pensons qu’il s’agissait d’un missile nucléaire, est tombé au cœur des Territoires du Sud. Les radiations ont rendu impossible toute traversée jusqu’ici. Lorsqu’elles ont disparu, les circonstances ont fait que nous avons du attendre jusqu’à maintenant, et nous voilà…

- Les circonstances ? Je ne comprends pas…

Myriana jeta un coup d’œil sur Zohan. Celui-ci ne perdait pas une miette de leur conversation et la jeune fille vit qu’il commençait à comprendre bien des choses. Mais il ne disait rien, ne demandait rien de peur que les deux jeunes femmes se taisent. Myriana reprit doucement la parole :

- D’abord il faut que je vous informe que nous n’avons pas eu de nouvelle de la Terre depuis cette explosion…

Elle se tut voyant les deux savants blêmir, mais constatant qu’ils ne disaient rien elle poursuivit :

- Sans instruction de la Terre, sans nouvelle de ce qui avait pu se passer là-bas, nous avons du agir par nous même. Quand la panique qui a suivit l’explosion du missile s’est calmée, un groupe des nôtres s’est rendu sur les terres cultivées pour constater l’ampleur des dégâts. Les… heu… les clones s’étaient repris en main et nous les avons laisser agir. Nous, enfin notre gouvernement, voulait voir comment ils allaient s’en sortir. Et puis… nous ne pouvions pas intervenir dans le mode de vie précaire qu’ils avaient instauré, nous n’avions aucune preuve, aucun moyen de les contraindre a nous écouter ou a nous obéir. Ils n’auraient rien compris et nous auraient sûrement rejeté, ou pire…

- Je vois… Alors vous dites que cet homme serait l’un de leur descendant. Marvin, c’est toi le spécialiste en bio-génétique, qu’en penses tu ?

- Hé bien… Les clones étaient programmés pour ne pas procréer. Mais maintenant tout dépends de l’émetteur. Vous savez, c’est lui qui par l’intermédiaire de leur implant leur transmettait tout ces ordres. Mais on peut supposer que le missile dont vous parliez tout à l’heure ai détruit cet émetteur et pas la même fait cesser toute communication. Livrés a eux même ils ont agit comme tout être humain, dont ils sont en parti issus. C’est étrange, beaucoup de nos savants sur Terre s’étaient posés la question de savoir ce qu’il adviendrait de ces clones dans un cas comme cela.  Certains étaient partisans du fait que sans information ils mourraient, qu’ils ne pourraient pas survivre sans nous. Mais force nous est de constater qu’ils avaient tort sur toute la ligne.

Tout en disant cela, il s’était rapproché de Zohan et lui tournait autour, l’examinant sous toutes les coutures. Le jeune prince se soumis a cet examen sans manifester la moindre impatience, mais lorsque Marvin voulut le tâter et regarder ses dents, il le repoussa, sans violence mais avec fermeté.

- Hé la !! Je ne suis pas une marchandise ! Ni un cheval !

Marvin recula étonné. Il ne semblait pas comprendre la réaction du jeune homme, ou ne pas s’y être attendu du tout. Il interrogea Myriana du regard, celle-ci lui sourit :

- Pourquoi vous étonnez Professeur ? Vous auriez la même réaction si l’on vous examinait de cette façon…

- Mais il s’agit d’un clone ! Il est programmé pour nous obéir et ne ressentir aucun de ces sentiments qui nous sont propres comme la gêne, la violence ou l’amour.
- Il n’est pas un clone, mais un de leur descendant. Il n’a jamais été programmé, et d’après les études que nous avons faites, les sentiments dont vous parlez sont réapparus avec le temps. N’oubliez pas qu’un clone est fait a partir d’une cellule humaine. Les émotions étaient bien annulées par ordinateur, mais quoi que les scientifiques aient pu faire, elles étaient latentes, elles sont revenues.

- Vous voulez dire que maintenant ce sont des êtres humains a part entière ? demanda t’il étonné.

- Oui.

Resté jusqu’alors silencieux, Zohan les regarda tous a leur tour, puis se fixa sur Myriana :

- Je crois avoir saisis certaines choses, mais il manque des pièces à mon puzzle. D’après ce que j’ai compris, nous, enfin nos ancêtres, auraient été des sortes de machines fabriquées par des savants comme vous. De quelles façons et dans quels buts, je l’ignore encore. Mais tu disais tout à l’heure, un… heu… comment étais ce déjà.. un missile, je pense qu’il doit s’agir d’une arme, aurait, en quelque sorte, contrecarré vos plans. Nous nous serions retrouvés livrés à nous même, et contre toutes attentes nous aurions survécus, et même évolués dans le bon sens paraît’il.

Il s’arrêta, laissant à ses mots le temps de pénétrer son esprit. Il avait parlé d’une voix calme, lente, détachée, et ne semblait pas y accorder beaucoup d’importance. Il regardait Myriana, mais ne quêtait aucune approbation. Il paraissait plutôt essayer de se convaincre lui-même que toute cette histoire n’était que pure invention. Il ne vit même pas l’ébahissement des deux savant, stupéfiés de le voir comprendre et analyser si vite les choses. Il secouât la tête et repris la parole :

- Je n’arrive pas à y croire. Comment un être humain aurait il pu créer une machine a sa propre image ?

- C’est pourtant vrai, lui dit doucement Myriana, regarde autour de toi, ne vois tu pas la preuve que les terriens détenaient des connaissances de beaucoup supérieures aux vôtres.

- Mais ce sont des choses inertes ! Je suis vivant, je parle, je me déplace, j’éprouve des sentiments, je pense, je réfléchis. Comment peux tu affirmer que je ne suis que la création d’un savant ? Et dans quel but vos savants auraient ils agis ainsi ?

- Et pourtant… reprit’il, murmurant comme pour lui-même, en y réfléchissant bien, tout se recoupe…  La légende, la Grande Catastrophe, l’immense vide de nos souvenirs. Ce serait donc cela ? Mais les Ancêtres ont toujours parlé du temps d’avant comme d’une période de bonheur et de joie. Comment cette idée a t’elle pu survivre s’ils n’étaient eux-même que des outils que vous utilisiez a votre gré ?

Helen se mordit les lèvres, craignant que la légère irritation qu’elle sentait dans sa voix ne se transforme en rage à la suite de ses révélations. Un regard de Myriana l’encouragea à poursuivre :

- Hé bien.. Cette notion de bonheur était implantée dans le cerveau des clones de même que l’amour du travail. Et ceci afin qu’il n’y ai aucune révolte devant les taches à accomplir et les efforts à fournir.

- Mais qu’attendiez vous de nous ? Pourquoi tout ceci ?

- Comment dire… En fait, il faut remonter à une époque lointaine. La Terre était surpeuplée, polluée. Elle se mourrait à petit feu, de faim, d’ignorance, de désespoir et surtout des hommes. Il fallait agir, et vite. Nos savants avaient découvert plusieurs planètes, dont celle-ci. Malheureusement, ils ne trouvaient personne désirant s’y installer pour cultiver. Le travail de la terre, comme bien d’autres travaux manuels, était au fil des siècles devenu dégradant. L’humiliation était telle que seuls les prisonniers pratiquaient ces activités. Hélas, il était hors de question de laisser ces criminels en toute liberté sur différentes planètes. Il nous fallait trouver une autre solution…

- Et c’est la que nous intervenons ? la coupa Zohan.

- Tout a fait. Votre… comment dire… votre création était la seule possibilité. Nous avions besoin de main d’œuvre obéissante en tout point, disponible, qui ne se révolte pas et surtout qui accepte les travaux agricoles comme une bénédiction.

Zohan blêmit. Les révélations d’Hélen lui faisaient l’effet de la pire des insultes. Il se voyait, lui et son peuple, rabaissé au rang d’esclave, de bête de somme. Lorsqu’il reprit la parole, sa voix frémissait de rage contenue :

- J’espère que vous ne comptez pas reprendre le contrôle de nos corps et de nos esprits. Vous nous avez déjà volé notre passé, je ne vous laisserai pas toucher à notre avenir. Et si malgré tout vous le tentiez, je pense que vous rencontrerez de sérieuses difficultés. Nous ne sommes plus des machines obéissantes… désolé, ajouta t’il sarcastique.

Myriana eu un geste d’apaisement.

- Non cela ne se produira pas. Le conseil d’Aela ne le désire pas. Nous vous avons suivis lors de votre évolution, nous vous avons étudié, et la conclusion est de vous laisser poursuivre votre vie. En fait, je pense que maintenant nous allons être a même de vous apporter un essor au niveau scientifique à l’aide des savants et du matériel entreposés ici. Mais seul vous, vos amis et quelques personnes dans les hautes spères devront être au courant. Le peuple ne doit rien savoir. Le choc pourrait être trop grand. Je le dis aussi pour vous, ajouta t’elle en se tournant vers les deux savants, ce choc pourrait entraîner une régression dans leur développement, et Aela ne l’admettra pas. Et puis… les découvertes faites ici serviront a alimenter la légende, elles seront a ce titre très bien accueillies.

Zohan observait la jeune femme, perplexe. Son esprit s’imprégnait lentement de ses dernières paroles. Le calme et la compréhension faisaient suite à la rage qui l’avait secoué quelques instants plus tôt. Pourtant, une dernière question le troublait. Apres un instant de réflexion, il l’exprima a haute voix :

- Myriana, encore une chose, qu’est ce qu’Aela ? Et qui es tu exactement ?

- Aela est le nom de l’île sur laquelle je suis née.

- Une île ?

- Oui, elle se trouve au large de Port Pierce. Il s’agissait à l’origine d’un centre de surveillance. Lorsque les relations avec la Terre ont été rompues, nous avons continué notre mission, vivant en autarcie, évitant les contacts directs. Seuls quelques guerriers, triés sur le volet, étaient envoyés dans l’Empire pour se rendre compte de l’évolution des évènements. Je suis moi-même une de ces Sentinelles. Mes ordres étaient de surveiller les Territoires du Sud et de faciliter la traversée d’une éventuelle expédition. Je vous ai rencontré par hasard. Je me trouvais contre ma volonté au lac Diurk, venant de fausser compagnie à une escouade de soldats qui voulait m’enrôler dans l’armée impériale. J’étais en train d’étudier la possibilité pour moi d’entrer sans ordre dans les Territoires du Sud lorsqu’ils me sont tombés dessus. J’étais si concentrée et surprise par la mise en route du compte a rebours que je ne les avait pas entendu venir. Je pense que tu sais tout maintenant. Retournons à la salle des ordinateurs. Il faut que l’on voit comment cela se passe à la centrale. Sinon tout aura été accomplit en vain.

A l’étage supérieur, ils retrouvèrent les trois guerriers et le jeune Yorick, nullement surpris de la présence des deux savants. Ils avaient, en effet, suivi les différentes phases du réveil et la conversation par écran interposé, l’ordinateur étant resté en contact constant avec la salle de crio-génétique. Myriana, voyant qu’elle n’avait plus rien à leur apprendre, ordonna a Elix de visualiser l’intérieur de la centrale.

Sur l’écran, apparurent Pirios et Tallié. Ce dernier était en admiration devant les immenses turbines en activité. Il ne pouvait détacher son regard de leur vaste mouvement de vas et viens. Ce spectacle semblait le fasciner totalement, pourtant il dut s’en arracher lorsque le professeur lui ordonna de l’aider. Il tentait en effet de déverrouiller une porte, mais celle-ci, pour une raison inconnue, résistait. Le jeune homme, muni d’une barre de fer qu’il avait ramassé quelques instants plus tôt, s’arcbouttat contre le mur et réussit a faire coulisser la porte de quelques centimètres. Puis, assisté de Pirios, l’un poussant, l’autre tirant, arriva à agrandir l’ouverture. Le professeur s’y faufila, toujours suivi du jeune homme qui, devant ce qu’il découvrit, s’arrêtât, stupéfié et émerveillé, car ce qu’il voyait dépassait tout ce que son imagination pourtant fertile avait pu concevoir.

Il se trouvait sur une sorte de passerelle qui courrait tout le long des quatre murs. Au centre se trouvait, à cinq mètres environ en dessous une immense salle grouillante d’activité. Des machines, Tallié ne voyait pas quel autre nom leur donner, des dizaines de machines, faites d’un métal poli qui brillait sous les lumières se déplaçaient, travaillaient et effectuaient des opérations pour lesquelles elles semblaient a    voir été conçues. Certaines se trouvaient devant des tables, manipulant toutes sortes de leviers et de boutons, d’autres allaient et venaient, transportant du matériel d’un bout a l’autre de la pièce. D’autres encore semblaient trier ou construire quelque chose à l’aide de pièces se trouvant sur une sorte de tapis placé le long de l’un des murs ; celui ci disparaissait dans une trappe à l’autre bout de la salle. Le plus extraordinaire pourtant était que ces machines avaient une apparence humaine avec des bras, des jambes et une curieuse tête rectangulaire. L’arrivée précipitée des deux humains n’avait en rien interrompu leur travail. Elle n’eurent aucune réaction, continuant leur tache indéfiniment.

Pirios ne leur jeta aucun regard, tant ce spectacle lui était banal. Il courut le long de la passerelle jusqu'à un trou dans un mur. Il observa le cadran sur lequel défilait des chiffres. Il ne lui restait pas beaucoup de temps, il entrepris donc d’arrêter le compte à rebours ; ses gestes étaient précis et minutieux ; il ouvrit tout d’abord une petite trappe à l’aide d’une clef qu’il portait autour du cou. Il tapa un premier code qui eu pour effet de faire clignoter les chiffres du cadran. Puis, a main nue la ou il aurait fallut une pince, il commença tout doucement a retirer une pièce lumineuse se trouvant dans la trappe. Il savait qu’il ne devait en aucune façon trembler, car le composant qu’il enlevait ne devait pas toucher, ne serait ce qu’effleurer les bords. Des gouttes de sueurs coulaient le long de ses tempes. Il ne faisait aucun mouvement brusque. Soudain un sifflement empli la salle, puis il décrut lentement pour s’arrêter enfin lorsque Pirios eu totalement enlevé la pièce. Le cadran s’éteignit. Le professeur resta là, soulagé, puis tranquillement se tourna vers Tallié qui l’observait et lui dit en souriant :

- Mission accomplie, la planète est sauve.

12 mars 2009

Chapitre VII - 1 -

Cosar et Kemald s’évertuaient à ouvrir la porte, mais en vain. Korthord voulut leur prêter main forte. Ils tachèrent de l’enfoncer mais rien n’y fit.

Pendant ce temps, Tallié suivait chacun des gestes de Myriana. La jeune fille semblait chercher quelque chose. Elle tâtait les parois du bâtiment, écartait les ronces et les broussailles qui s’étaient agglutinées au fil des ans contre les murs. Soudain à la droite de la porte, elle s’arrêta. Elle prit son poignard et le mit dans la fente qu’elle avait découverte. En faisant levier, une petite trappe s’ouvrit, révélant une série de boutons numérotés.

- Ecartez-vous de la porte, conseilla t’elle aux trois hommes qui s’acharnaient toujours, elle va s’ouvrir.

Etonnés, les six hommes se rapprochèrent d’elle. Ils la virent enfoncer plusieurs des touches. Ils perçurent un léger bruit, et la porte lentement coulissa, révélant aux jeunes gens médusés l’intérieur du bâtiment. Tallié voulu se précipiter à l’intérieur mais il fut stoppé par un ordre sec, lancé par Myriana.

- Attendez !!! Avant de pénétrer à l’intérieur, j’ai une dernière recommandation à vous faire. Ne touchez surtout à rien !!! Une manipulation hasardeuse pourrait entraîner de graves conséquences. Il ne faut surtout pas endommager les appareils qui se trouvent la-dedans. De plus, il y a sûrement des barrières de sécurité, le mieux est que je passe devant afin de les déconnecter.

- Hé bien, après vous gente demoiselle, lui dit Cosar, un brin ironique, en lui faisant une petite révérence. Nous vous suivons.

Malgré cette légère moquerie, ses compagnons purent déceler dans sa voix une pointe de respect. Depuis leur arrivée devant ces édifices, elle se comportait en chef, elle savait comment ouvrir cette porte et utilisait des mots inconnus d’eux. Cosar, de même que les autres découvraient chez cette jeune femme des qualités et des compétences insoupçonnées qui forçaient l’admiration.

Ils pénétrèrent donc dans l’édifice à la suite de Myriana. Il y faisait très sombre, et seule la lumière de l’extérieur leur permettait de distinguer qu’ils étaient dans une sorte de couloir. Elle se dirigea vers l’un des murs et appuya sur une petite aspérité qui apparaissait. Un « clac » se fit entendre, et la pièce ou ils se trouvaient fut inondée de lumière.

Ses compagnons sursautèrent, la surprise se peignit sur leur visage.

- Qu’est ce que c’est ? demanda l’un d’eux. De la sorcellerie ?

- Non, les rassura Myriana, cela se nomme électricité, et comme vous pouvez le constater, cela permets de voir comme en plein jour. Allons y maintenant…
Ils se dirigèrent vers le fond du couloir où se trouvait une porte qui s’ouvrit sans difficulté. Ils entrèrent dans une pièce beaucoup plus grande. Deux portes permettaient d’en sortir ; une au fond a droite était ouverte et ne donnait que sur une toute petite pièce pas plus grande qu’un placard, l’autre, fermée sur le mur gauche. Sur cette dernière était posé un panneau portant des indications étranges.

- Qu’est ce que ça veut dire ? demanda Zohan

- Entrée interdite au personnel non autorisé ; si mes souvenirs sont exacts, c’est la porte qui mène à la centrale, c’est la que l’électricité est fabriquée.

Tallié, songeur, regarda la jeune femme. Il prit la parole, ayant soudain une idée.

- Heu… ton elec… électricité, ce serait pas cela qui fait fonctionner les machines ?

- Oui. Pourquoi une telle question ?

- Bien, heu… j’aimerai voir à quoi elle ressemble, comment elle est fabriquée.

- Désolé, je ne suis pas qualifiée pour t’expliquer cela, et en plus, je ne connais pas le code d’accès a cette porte. Et sans ce code, impossible de l’ouvrir.

- Bon, fit-il résigné, mais maintenant ou vas t’on ? il n’y a rien ici.

- On descend !

- On descend ? et par ou ? ou est l’escalier ?

- On utilise l’ascenseur.

Incrédules, ils virent la jeune fille se diriger vers l’autre petite pièce ; elle leur fit signe d’y pénétrer à sa suite. Lorsqu’ils furent tous entrés, elle leur demanda de se serrer contre le fond de la pièce. Elle appuya alors sur un des boutons qui se trouvait près de l’entrée. Avec une certaine appréhension, ils virent la porte se refermer, et ils sentirent leurs estomacs se soulever. La pièce semblait s’être mise en mouvement.

Apres un court instant, ils ressentirent un petit choc. Leur étrange moyen de descente s’était arrêté. La porte s’ouvrit dévoilant une immense salle, dans laquelle se trouvait une quantité importante d’appareils étranges ; certains ressemblaient beaucoup a la machine qui se trouvait dans la salle du conseil de Sarkir, d’autres étaient très différentes, ils possédaient des sortes de poignées et des boutons multicolores, et partout sur les murs il y avait de ces fenêtres qui ne donnaient sur rien.

- Des machines… murmura Tallié émerveillé, Fonctionnent ‘elles ?

- Normalement, lui répondit Myriana, mais rappelez-vous, ne touchez à rien ! Laissez moi faire.

Elle se dirigea vers la plus importante de ces machines. Les six hommes la suivaient des yeux, éberlués de découvrir rassemblées au même endroit, tant de preuves de la science passée. Myriana ne paraissait pas étonnée le moins du monde, au contraire, elle semblait savoir exactement ce qu’il fallait faire. Elle enfonçait différentes touches qui se trouvaient devant elle. Soudain, des images apparurent dans les « fenêtres » jusqu’alors noires, et une voix très grave se fit entendre, semblant venir de nulle part et de partout a la fois.

- Bonjour professeur Arienor. Cela faisait longtemps.

Korthord, Kemald et Cosar sortirent qui son épée, qui sa hache, prêts a affronter cet ennemi invisible, pendant que Yorick reculait lentement vers un des murs, pensant se mettre à l’abri. Zohan et Tallié jetaient partout des regards autour d’eux, mais le propriétaire de la voix ne se montrait pas.

- Du calme ! Leur conseilla Myriana. Elle souriait et ne paraissait nullement effrayée. Ce n’est que l’ordinateur.

Devant leurs airs ahuris, elle vit qu’ils n’avaient pas saisi le sens de ses paroles.

- Ha oui ! Cette machine est un ordinateur et elle parle. C’est sa voix que nous venons d’entendre. Je vous présente le LX8220ZR, le modèle le plus performant de sa génération, plus communément appelé ELIX.

- Professeur Arienor ? reprit la voix métallique, Qui sont ces gens ? Ou etes vous ? je ne vous entends pas.

- Elix, le professeur Ariénor est mort depuis longtemps déjà. Je suis Myriana, détentrice du code. Peux-tu me dire si tout est en état de fonctionnement ici ?

- Un instant, je vérifie. Ok ! Tout fonctionne. Non ! il y a un problème à la centrale, le compte à rebours a commencé. Tout doit exploser dans exactement 23h 18 mn et 22 secondes.

- Compte à rebours ? demanda Zohan. Je ne comprends pas.

- Et tu n’auras pas le temps de comprendre si nous n’agissons pas vite. Elix ? tu peux ouvrir la porte de la salle de crio ?

- Ok c’est fait.

- Zohan ! Tallié ! Venez avec moi ! Les autres ne bougez pas et ne touchez à rien.

Elle entraîna les deux hommes dans la pièce qu’ils avaient quitté quelques minutes plus tôt. Elle pressa un autre bouton, et la pièce se remit en mouvement. Ils arrivèrent dans une autre salle. Un énorme dôme se dressait en son centre. Zohan s’en approchât et constata avec stupéfaction qu’il était divisé en plusieurs sortes de lits. Trois personnes s’y trouvaient allongées, paraissant dormir. De plus, il restait trois espaces vides.

Il n’eut pas le temps de poser de questions. Deja, Myriana s’affairait autour d’une sorte de table sur laquelle il y avait des touches de différentes formes. Elle en enfonça plusieurs à la suite, mais rien ne se produisit. Enfin, elle fit glisser un petit bouton vers le haut. La salle s’emplit d’un sifflement étrange, et les « lits » se mirent à briller d’une lumière qui semblait battre comme un cœur.

- Voilà, dit la jeune femme, il n’y a plus qu’à attendre.

- Attendre quoi ? demanda Zohan. Qui sont ces gens ? Est-ce qu’ils sont morts ?

- Ho ! Tu ne pourras jamais t’empêcher de me questionner ?

- Excuses moi, mais je voudrais comprendre. Face a un ennemi je sais comment réagir,  mais la tout est si nouveau pour moi. Tout ces … appareils ? Ou as-tu appris ce qu’il fallait faire ?

- Je te comprends mais les efforts de mémoire que j’ai du faire pour me souvenir de tous ces codes m’ont fatiguée. Enfin… soupira t’elle, puisque tu veux savoir. C’est gens sont des savants, des spécialistes des machines, et j’espère que l’un d’eux s’y connaît en nucléaire d’ailleurs. Ils ne sont pas morts, comme tu pourrais le supposer, mais juste endormis. Et nous attendons leur réveil. A ce propos, j’aimerai que vous vous placiez chacun a coté d’une de ces cabines. Scrutez sur leurs visages le moindre signe d’éveil et appelez-moi. Cela fait très longtemps qu’ils sont endormis et ils aurons besoin de nous. Et s’il vous plait, plus de question pour l’instant.

Ils la regardèrent étonnés. Elle avait l’air vraiment à bout de force. Pourtant elle continuait, comme si de rien n’était, d’ouvrir les placards qui se trouvaient dans la salle. Elle cherchait visiblement quelque chose. Zohan et Tallié la laissèrent faire, et agirent comme elle le leur avait demandé. Ils s’approchèrent des « lits » et s’installèrent à coté.

Zohan s’était assis près d’un homme. Il le détaillait, espérant découvrir en quoi cet homme pouvait être si important et si savant. Il ne voyait qu’une personne ayant déjà atteint un certain age. Les cheveux, au niveau des tempes, commençaient à blanchir, et des rides étaient visibles sur le front et autour des yeux. Par contre ses vêtements étaient très différents de ceux qu’il connaissait. Il n’en n’avait jamais vu de la sorte ; ils semblaient faits d’une seule pièce, et dans un tissu qui reflétait la lumière. Cela lui parut très étrange, mais il n’en dit rien, ne voulant pas troubler Myriana. Il se tourna vers l’autre « lit », et y découvrit avec surprise une jeune femme. Elle était très belle, blonde, un teint de pêche, des lèvres roses et pleines. Elle aussi était vêtue du même vêtement lumineux que l’homme.

- Etrange, se dit Zohan, on m’a toujours enseigné que les femmes étaient inférieures a l’homme, qu’elles lui devaient obéissance et respect, qu’elles n’étaient la que suivant son bon plaisir, et la !!! Je ne comprends plus !! D’abord Myriana qui se promène en toute liberté, armée, qui semble venir d’on ne sait ou, qui détient des secrets sur des sciences qui ont depuis longtemps disparues de l’Empire et qui sûrement connais la solution à tous nos problèmes. Et ensuite celle-ci, aussi belle que blonde, et qui d’après Myriana serait en plus une savante, une femme qui détiendrait les clés du savoir ! C’est inimaginable ! Si ces deux la peuvent connaître de telles choses, peut être que les autres en sont capables également, si elles reçoivent l’enseignement adéquat. Mais pourquoi dans l’Empire n’ont elles pas droit à l’éducation qui est la notre ? Il y a sûrement une raison. Peut être que les hommes font tout pour conserver cette supériorité. Il est vrai qu’il est bien agréable de savoir qu’il y a quelqu’un au-dessous de soi, prêt à satisfaire tous ses caprices. Mais finalement, nos traditions nous disent que la femme est l’inférieure de l’homme alors que rien ne le prouve. Peut-être en fait doivent elles être nos égales…

Il en était là de ses réflexions lorsqu’il décela un mouvement infime des paupières de la jeune femme. Il appela aussitôt Myriana. Celle-ci arriva, avec à la main une petite arme étrange. Devant l’interrogation muette dans les yeux de Zohan, elle lui expliqua :

- C’est un pisto-seringue. Leur corps est en manque de certains éléments vitaux et cela va me servir à les injecter.

Elle appuya sur un bouton au pied du »lit » et le couvercle s’ouvrit avec un bruit d’air qui s’échappe. Un léger voile de fumée sortit également. Myriana approcha son pisto-seringue du cou de la jeune savante et tira. Son corps se souleva sous l’effet du choc et retomba aussitôt. Myriana fit signe à Zohan de rester s’occuper de la dormeuse, et alla auprès de Tallié qui la réclamait, puis au chevet du deuxième homme pour renouveler son opération.

Zohan examinait la scientifique. L’injection semblait l’avoir quelque peu agitée. Des frissons parcouraient son corps, et par instant ses doigts et ses pieds étaient pris de légers tremblements. Soudain, elle ouvrit les yeux. Zohan put constater qu’elle avait les yeux bleus délavés, mais son regard l’inquiéta. Il était fixe, comme mort. Il allait appeler Myriana lorsqu’il vit les paupières de la jeune femme se refermer lentement. Elle balbutia quelques mots, mais si faiblement qu’il n’y compris rien, puis se rendormit.

9 mars 2009

Chapitre VI - 2 -

Au matin, ils remontèrent en selle sans perdre un instant, piquèrent des éperons et lancèrent ainsi leurs chevaux au galop.

La plaine qu’ils traversaient était couverte d’une herbe rase et jaunâtre, comme brûlée par un soleil trop fort. Nulle trace de vie ne s’apercevait à l’horizon, nul oiseau dans le ciel, il leur semblait traverser un désert ou tout avait été détruit par un feu puissant et ravageur. Elle semblait s’étendre à perte de vue, avec pour seul repère dans cette uniformité un ensemble de collines vers lequel ils se dirigeaient à vive allure.

Ils galopèrent ainsi pendant environ deux heures, poussant leurs chevaux aux limites de l’épuisement, tant ils leur tardaient d’atteindre enfin leur but, et tant leur semblait obsédant et vital de connaître la source du bruit qui les accompagnait.

Zohan, voyant son cheval, pourtant le plus rapide du lot, ralentir et souffler, leva le bras et cria aux autres de s’arrêter. Tous stoppèrent sauf Myriana qui continua sur quelques mètres. Ne sentant plus la présence du jeune homme à ses cotés, elle ralentis et se retourna l’air agacé.

- Pourquoi vous arrêtez vous ? Cria t’elle. Nous sommes encore loin !

Pour toute réponse, Zohan montra les chevaux, fumant de sueur et soufflant, les naseaux couverts d ‘écume. La jeune fille obéis, malgré son envie de continuer encore. D’une pression des cuisses, elle fit faire demi-tour à son étalon. Elle sentait entre ses jambes, sa monture trembler suite à l’effort qu’elle lui avait demandé, elle sauta à bas de son cheval et lui flatta l’encolure. L’animal posa sa tête sur l’épaule de sa cavalière, reconnaissant de cet instant de répit qu’elle lui accordait, puis s’éloignât un peu d’elle pour brouter l’herbe rase, choisissant avec soins les brins qui lui semblaient les plus tendres.

- Ils ont besoin de repos, déclara Kemald. Ils ne pourront nous conduire encore bien loin si nous continuons à ce rythme.

Tallié le regarda, l’air étonné. C’était une longue déclaration pour un homme habituellement si taciturne. Les seuls sons qu’ils avaient jusque-la entendu de sa part étaient des grognements intelligibles, ou des remarques de mépris à l’égard de Myriana. Lui qui était si dur envers les humains, à commencer par lui-même, était empli de respect pour les chevaux. Il semblait les comprendre d’instinct et éprouvait pour eux une sorte d’amour mêlé d’admiration, et ceux-ci, sentant cet état de fait, le lui rendaient bien.

Korthord approuva :

- Nous aussi nous avons besoin de repos. Regardez, le soleil est à son zénith. Il est temps de se restaurer. Nous devrions atteindre ces collines vers la fin de l’après midi. Heu… ajouta t’il en se tournant vers Myriana, savez vous ce qu’il y a derrière demoiselle ?

La jeune femme hocha la tête et murmura comme pour elle-même :

- La fin d’une époque…

Elle stoppa net les questions que son étrange réponse soulevait dans l’esprit de ses compagnons.

- Vous verrez, nous touchons au but. Plus de questions pour l’instant s’il vous plait.

Elle s’assit alors dans l’herbe, à l’écart du groupe d’homme, plongée dans ses réflexions, rythmant inconsciemment de ses doigts le bruit persistant.

Cosar distribua à chacun une part de nourriture et ils mangèrent en silence. Ils étaient tous perdus dans leurs pensées. La dernière réflexion de Myriana leur était incompréhensible. Comment le fait d’atteindre leur but pouvait marquer la fin d’une époque ? La gravité de la jeune fille lorsqu’elle avait murmuré ces mots, et son silence tenace depuis les préoccupaient. Quel allait etre la nature des dangers qu’ils allaient devoir affronter ?

Secouant la tête pour chasser ces sombres pensées, Zohan se releva :

- Il est temps ! Allons y !

Kemald rassembla les chevaux, reposés à présent, et ils remontèrent en selle. Ils lancèrent à nouveau leurs montures au galop, galvanisés par l’approche des collines qui se découpaient distinctement dans le ciel.

Les chevaux commençaient à nouveau à montrer des signes de fatigue lorsqu’ils arrivèrent aux pieds des vallonnements. Là, un décor fascinant s’offrit à leurs yeux.

- Mais… ? Qu’est ce … s’étonna Yorick. Mais oui ce sont des champignons !! Ils sont d’une taille impressionnante !

Devant leurs yeux ébahis s’étendait une foret de champignons, de toutes formes et de toutes couleurs, leurs pieds aussi gros que les troncs de certains arbres, et leurs corolles s’élevant doucement vers le ciel. Certains étaient si serrés entre eux qu’ils ne permettaient pas le passage d’un homme, et encore moins d’un cheval, pourtant il leur fallait traverser cet amas étrange s’il voulait atteindre le sommet des collines.

Sur un signe de Zohan, Kemald descendit de cheval et entreprit de leur frayer un chemin à l’aide de sa fidèle hache. Bientôt, et à grand renfort de muscle, il avait réussi à ouvrir un couloir assez grand pour y pénétrer. Sa voix leur parvint un peu étouffée.

- Venez ! il y a un passage la.

Les autres, tenant leurs montures par la bride, pénétrèrent à sa suite dans le surprenant bois. La température baissât d’un coup lorsqu’ils ne furent plus sous les feux ardents du soleil. La fraîcheur, qui d’abord leur parut rafraîchissante, se fit très vite plus pénétrante, plus humide. Ils ne purent s’empêcher de frissonner. Ils rejoignirent le guerrier qui les attendait devant ce qui semblait être une piste montant à flanc de la colline.

- Je ne sais pas si c’est raisonnable d’aller par là, lui dit Korthord, mais c’est le seul chemin. Et votre hache ne pourra pas nous ouvrir une voie plus directe vers les sommets.

Zohan hocha la tête, tirât son épée et commença à grimper. La montée se faisait en pente douce. La piste qu’ils suivaient semblait ancienne. Ca et là apparaissaient des pavés de formes régulières, comme taillés par une main humaine.

- Cela ressemble à une vieille route, remarqua Tallié. Si ce n’était ce déroutant décor, on se croirait revenu dans nos provinces.

- Il semble que nous ayons rejoins l’ancienne voie centrale, lui dis Myriana qui marchait à ses cotés. Je l’ai vu sur les cartes que m’ont montrées les Anciens. Cette route allait des montagnes Rimor jusqu’aux différents postes de garde installés un peu partout dans les Territoires du Sud. Il devrait y en avoir un au sommet de ces collines.

Tallié sentit le regard que lui jeta Zohan, lui intimant le silence, et préféra garder pour plus tard les questions qu’il comptait poser à la jeune femme. Il se concentra sur la montée, et sur les bruits environnants. Mais rien ne lui paraissait anormal, si ce n’est que le « cœur » était comme étouffé par l ‘épaisseur des champignons. C’était, à son point de vue, très agréable de pouvoir à nouveau percevoir autre chose que ce bruit incessant et trop régulier pour être normal.

Mais ce répit ne fut que de courte duré. Déjà le bruit reprenait de l’ampleur, dans le même moment que la lumière se faisait plus vive. Les troncs s’espaçaient, se raréfiaient. Ils arrivaient à la sortie de cette extraordinaire foret.

Ils se remirent en selle, et maintinrent leurs chevaux au pas le long de la voie qui continuait vers le sommet. Yorick se retourna pour embrasser du regard une dernière fois le splendide paysage qui se proposait à lui. Au premier plan, les chapeaux des champignons offraient un spectacle multicolore, bien tranché par le jaune de la plaine qu’ils avaient traversé. Et dans le lointain, se mouvait au gré du vent le feuillage de la foret qui lui paraissait magnifique malgré les dangers qu’elle recelait.

Il rejoignit ses compagnons en haut de la colline. Rien n’indiquait la présence même ancienne d’une quelconque habitation, à l’exception de quelques pierres entassées dans un coin, comme si elles résultaient de l’éboulement d’une construction. Si poste de garde il y avait eu, celui ci avait été détruit il y a bien longtemps maintenant.

Myriana tendit le bras montrant le lointain à ses compagnons. Le soleil qui commençait à descendre se reflétait sur une étrange surface. Ses rayons étaient renvoyés vers le ciel, comme s’il s’agissait d’un lac.

- Voilà notre but, dit’elle le visage rougit par le soleil couchant. Nous devrions l’atteindre dans la matinée demain. Descendre de ces collines de nuit me parait trop hasardeux pour les bêtes. Nous camperons ici.

Ils reprirent la route à l’aube. En se rapprochant, les jeunes gens purent constater que ce qu’ils avaient pris pour de l’eau était en fait le toit d’une immense construction. Ils arrêtèrent leurs chevaux, émerveillés par la beauté et le gigantisme de ce bâtiment. Il s’agissait plus exactement de deux édifices cote à cote. Le premier était très haut et surmonté d’un toit en forme de demi-cercle. Il n’était pas fait d’ardoise comme les toits dans les provinces impériales, mais d’une matière qui rougeoyait sous le soleil. Le second, beaucoup plus petit, était de forme rectangulaire, plus naturelle a leurs yeux. Il ne semblait ne pas avoir de fenêtre. La seule porte qu’ils pouvaient distinguer se trouvait sur le plus petit des édifices. La végétation avait ça et la poussé, mais sans parvenir à entamer, ni même à réellement grimper le long des murs. Aucune fissure, ni lézarde n’apparaissaient sur ceux-ci. Ils paraissaient  à la fois lisses et solides, a l’épreuve du temps. Le bruit dont ils cherchaient l’origine était ici le plus fort, presque assourdissant, et même amplifié par la cuvette dans laquelle ils se trouvaient. Il semblait sortit directement de ces bâtiments. Il était si intense qu’il leur semblait à l’unisson avec leurs propres cœurs.

Ils restaient là, sans dire mot, à admirer ces constructions étranges, que jamais auparavant ils n’en avaient vu de pareilles, et à sentir dans leur corps se répercuter les palpitations de ce bruit qui les avait guidé jusqu’ici. Un murmure rompit alors leur silence, Myriana, dressée sur son cheval regardait les bâtiments, l’air d’avoir enfin atteint son but.

- Le laboratoire des Hommes…. Chuchota t’elle

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9 mars 2009

Chapitre VI - 1 -

La nuit se passa sans problème. Le petit jour les trouva en armes, les chevaux sellés, prêts à partir. Ils sautèrent en selle et se mirent en route, Zohan en tète, Myriana à ses cotés. Sur un signe de la jeune fille, ils s’enfoncèrent sous le couvert des arbres. Les bois semblèrent se refermer derrière eux, et ils se retrouvèrent environnés par un nuage de verdure. Etrangement, aucun des bruits familiers d’une foret ne leur venait aux oreilles, pas de chant d’oiseaux, aucun son animalier. Seul le bruit qui les suivait depuis leur arrivée dans la foret Rimor revenait encore et toujours, rythmant chaque pas des chevaux et s’intensifiant au fur et à mesure de leur avancée.

La foret leur paraissait pourtant étrangement vivante, vibrante. C’était comme si l’absence de vie animalière la rendait plus présente à leurs yeux. Au lieu des habituels gazouillis d’oiseaux, ils ne percevaient que la complainte du vent dans les feuilles des plus hautes branches.  Ils avançaient péniblement, se frayant un chemin au travers des fourrés et des taillis, dans cet endroit que nul pied humain n’avait foulé depuis des siècles. Ils évitaient le plus possible les débuts de piste ou l’herbe semblait avoir été écrasée récemment  signe du passage d’un animal qui pouvait à tout instant réapparaître.

Les six hommes et la jeune femme restaient silencieux. Tous leurs sens étaient en alerte, guettant le moindre bruit, le moindre mouvement, le plus petite odeur qui pourraient leur sembler singuliers. La peur qu’un nouveau monstre ne survienne était vivace, mais aucun d’entre eux ne la montrait. Leurs visages n’exprimaient aucun sentiment particulier, sauf celui de Cosar qui de temps à autres grimaçait de douleur lorsque son cheval faisait un écart.

Au fur et à mesure de leur chevauchée, Yorick oublia ses inquiétudes concernant une mauvaise rencontre. La nature qui l’entourait ne cessait de l’époustoufler. Il ralentissait pour observer un arbre ou une plante, pour arracher une feuille et l’examiner de plus près. Ses soupirs d’émerveillement se transformèrent bientôt en des flots de paroles que Tallié eut bien du mal à calmer. Le silence était en effet important pour leur survie, le seul moyen pour eux d’entendre l’approche d’un éventuel danger.

- Mais, s’exclama le jeune biologiste, comment peux-tu rester insensible a tant d’étrangetés ? Regarde ! Regarde !! Tout est si… comment te dire.. Si semblable à chez nous, mais en même temps si différent, si grand ! Regarde cette feuille ! Elle a la finesse et la texture d’une fougère, mais elle si immense ! Imagine ! Imagine un peu ce que cela donnerait sur un épi de blé ! Il pourrait nourrir une famille entière ! Tu te rends compte ? Et …

Il s’interrompit sous le regard de colère que lui lança Tallié.

- Tais-toi, lui chuchota celui-ci, l’expérience d’hier avec l’araignée ne t’a donc pas suffit ! Tu veux en attirer d’autres !

Confus, maudissant sa stupidité, Yorick se tut, et repris le rythme normal de la chevauchée. Derrière lui, Tallié esquissa un sourire de satisfaction.

- Il s’emballe un peu vite, se dit-il, mais il comprends vite également. Et c’est vrai qu’il a raison sur un point, cette végétation est tout simplement extraordinaire.

Devant, Zohan guettait les réactions de la jeune fille à ses cotés. S’il comptait y trouver la plus petite trace de frayeur, il en fut pour ses frais. Elle était calme, sereine, attentive à ne pas s’écarter de son chemin.

- Quelle sorte de femme est-elle donc, se demanda t’il. Comment s’est-elle nommée déjà ? Ha oui ! Fille de la Terre, c’est étrange, nous sommes tous des enfants de cette terre, puisque nous y sommes nés. Pourquoi accorde t’elle tant d’importance à cela ? C’est comme si elle venait d’ailleurs. Elle est vraiment différente de ses comparses. Fière, insoumise, combative, et en plus très belle ce qui ne gâche rien. Oui vraiment très différente des autres.

Il ne cessait de la regarder, laissant son regard s’attarder sur son visage. Il voyait ses yeux verts étincelants d’intelligence et pétillants de malice, son teint parfait, éclatant de santé, sa bouche charnue qui semblait toujours prête à sourire, ses cheveux noirs  indisciplinés qui dansaient sur ses épaules. Elle tenait les rennes de son étalon d’une main ferme, mais sans le contraindre. Elle le laissait libre de ses choix, du moment qu’il continuait dans la bonne direction. Son assise était parfaite, signe d’une grande expérience, et sa position, la tête relevée, le buste bien droit, le regard au loin, inspectant les bois, accentuait la finesse de sa taille.

Se sentant observée, Myriana ne fit pas le moindre geste. Elle comprenait les interrogations de Zohan, et pouvait presque suivre le fil de ses réflexions, comme si elle lisait dans ses pensées. Elle esquissa un sourire.

- Satisfait de ton examen ? demanda t’elle malicieusement.

Zohan, surpris par sa perspicacité, ne sut que répondre.

- Mais… heu.. je… heu.. Je ne t’examinais pas, je me demandais si nous sommes bientôt arrivés.

- Ha oui ? humm … je pense que nous n’allons plus tarder à rencontrer le fleuve. Ecoutes ! Tu entends ? On dirait de l’eau. Nous ne devons pas être loin.

Quelques instants plus tard, ils se trouvèrent en effet sur la rive d’un fleuve. Celui-ci s’étirait majestueusement au travers de la foret. Il leur apporta un peu de fraîcheur, et ils purent se désaltérer dans son eau claire.

Tallié était perplexe. Son regard ne cessait d’aller du ciel, au fleuve, puis il se posait sur la jeune fille. Il finit par l’interroger.

- Es-tu sure que ce soit le bon fleuve ? Comment peux-tu te repérer dans cette foret ? Nous nous sommes peut être trompés de direction. On ne peut pas se fier à la position du soleil, c’est à peine si on le voit au travers de ces arbres.

- Ne t’inquiètes pas, nous sommes dans la bonne direction.

- Comment peux-tu en être si sure ?

- Hé bien… heu.. Grâce à un objet que m’ont confié les Anciens. Tiens ! Le voilà ! La petite aiguille indique ou se trouve le nord, il suffit de prendre la direction opposée.

- Mais c’est extraordinaire ! Comment cela s’appelle t’il ? Est ce une machine ?

- Non, il ne s’agit pas d’une machine. C’est juste un petit instrument bien utile. Cela se nomme boussole, et ne me demande pas d’où elle vient, ni comment ça marche, je l’ignore.

- Boussole… Tallié savoura ce mot tout neuf, en extase. Sa curiosité n’était pas entièrement satisfaite, mais il s’en contenta. Il porta sur Myriana un regard nouveau, pensant qu’elle devait détenir les réponses aux questions qu’il se posait depuis longtemps.

Un bourdonnement coupa ses réflexions. Il sursauta et regarda ses compagnons. Eux aussi avaient entendu et scrutaient les bois d’un œil perplexe. Le vrombissement se fit de plus en plus fort, semblant se rapprocher d’eux à grande vitesse, et couvrant peu à peu le bruit sourd qui les avait accompagné jusqu’alors. Les chevaux s’agitèrent nerveusement, sensibles à l’inquiétude de leurs cavaliers. La monture de Myriana se cabra, l’obligeant à lever les yeux. Ce qu’elle vit lui glaça le sang.

- A couvert ! cria t’elle, et elle entraîna ses compagnons à l’abris sous les arbres. Ceux-ci la suivirent sans comprendre, mais tel était l’ascendant qu’elle avait pris sur eux qu’ils obéirent sans réfléchir.

Abrités par les immenses feuilles des arbres, ils purent enfin regarder ce qui avait tant effrayé la jeune fille. Elle tendait le doigt vers un point du ciel. Levant les yeux, il virent une tache noire approcher et grandir peu à peu, jusqu'à obscurcir le ciel. Le vrombissement devint insoutenable, et ils durent faire un effort pour contrôler les chevaux que ce bourdonnement affolaient.

- Mais… ce sont des guêpes !!! Hurla Yorick pour tenter de couvrir le vacarme. Elles sont immenses !

Il tremblait de terreur, prêt à faire faire demi-tour a son cheval. Ses compagnons n’en menaient pas large non plus. Tous se demandaient comment contrer l’attaque de ces géantes du ciel. La piqûre d’un seul de ces insectes devait être mortelle.

- Pas d’affolement ! leur intima Zohan. Cachés comme nous le sommes, elle ne nous voient pas, elles n’attaquerons que si elles se sentent menacées.

D’instinct, ils obéirent à la voix calme de leur chef. Ils restèrent donc immobiles, dissimulés par l’obscurité de la foret, observant le balai incessant de l’essaim. Jamais ils n’avaient contemplé pareil spectacle. Leurs ailes immenses fouettaient l’air, comme un vent violent, soutenant leurs corps lourds rayés de jaune et noir. Elles passèrent au-dessus d’eux sans les voir, tournant autour de leur reine pour la protéger. Le ciel semblait empli de ses insectes, le monde était devenu pour eux noir et vibrant, puis soudain la lumière revint

Elles s’éloignèrent aussi rapidement qu’elles étaient apparues, laissant la clarté du soleil inonder à nouveau le fleuve. Les aventuriers restèrent silencieux, abasourdis et comme terrifiés par ce qu’ils venaient de voir. Seul le hennissement nerveux des chevaux se faisait entendre.

Rompant le silence, Yorick poussa un soupir de soulagement, qui eut pour effet de sortir ses compagnons de l’étrange transe dans laquelle ils étaient plongés depuis la disparition de l’essaim.

- Elles étaient monstrueuses, soupira Cosar, je n’aurais pas aimé avoir à me battre contre elles.

Kemald grogna son approbation, le regard porté sur la hache qui ne le quittait jamais, se demandant combien il aurait pu en tuer avant de succomber sous leurs coups. Korthord ouvrit la bouche, mais sembla se raviser. Zohan l’encouragea du regard à poursuivre.

- Bien…, il tourna les yeux vers Yorick et Myriana, je me demandais combien de ces monstruosités nous allions rencontrer avant de parvenir au but de notre voyage… Je … heu… Sa Majesté m’a donné ordre d’assurer votre protection. Mais face à cela je ne sais que faire…

Myriana secoua la tête ne sachant que répondre.

Tallié pris la parole, exprimant les inquiétudes qui commençaient à surgir dans l’esprit de ses compagnons.

- Ce que je me demande par contre, c’est pourquoi elles n’ont jamais attaqué l’Empire. Si on excepte ce qui est arrivé au poste de garde, jamais de tels monstres n’ont été signalés.

- A cela je pense avoir la réponse, s’exclama Yorick. Cela doit être du à la hauteur des montagnes Rimor. Elles agissent comme une barrière infranchissable, de plus, le brouillard qu’il leur faudrait traverser alourdirait leurs ailes et les transpercerait de froid. L’araignée qui a attaqué le poste de garde a du arriver la-bas épuisée… Il faudra penser au retour à la rechercher et a l ‘éliminer, poursuivit il comme pour lui-même.

Zohan hocha la tête et fit signe qu’il était temps pour eux de repartir. Ils remontèrent en selle et guidèrent leurs montures vers le fleuve. L’eau était plus profonde qu’ils ne l’avaient supposé. Ils en eurent bientôt jusqu’aux genoux. Forçant les chevaux à avancer, tantôt marchant, tantôt nageant, ils accostèrent sur l’autre rive. Là, ils suivirent Myriana qui prenait à l’ouest. Dans cette direction la foret leur sembla moins épaisse, moins touffue. Le fouillis qu’ils avaient jusqu’alors traversé paraissait s’ordonner, s’éclaircir. Ils arrivèrent très vite à la lisière de la foret, et se retrouvèrent face à une immense plaine. La nuit tombait, ils décidèrent de s’installer pour la nuit à l’orée de la foret.

7 mars 2009

Chapitre V - 2 -

Comme à son habitude, Zohan marchait en tête. Yorick qui fermait la marche l’entendit soudain pousser un cri de stupéfaction. Il pressa l’allure et découvrit ses compagnons sortis de la brume en admiration devant le paysage qui s’offrait à leurs yeux. A leurs pieds, s’étendait une foret immense. Aussi loin que portaient leurs regards ils ne voyaient qu’un horizon de verdure. Des arbres portant fleurs et fruits poussaient à perte de vu dans ce qui n’était, d’après ce qu’ils avaient entendu dire, qu’un désert. Ils voyaient du vert à profusion, certaines de ces teintes étaient éclatantes sous le soleil. Des taches de couleur vive, jaune, rouge, orangée rehaussaient le paysage et lui donnait une beauté qu’ils n’avaient vu nulle part ailleurs.

- C’est merveilleux, commenta Yorick. Je n’ai jamais vu ces sortes d’arbres. Ils sont splendides.

- Regardez ! La !

Le cri poussé par Kemald les détourna de leur contemplation. Ils portèrent leurs regards dans la direction ou ce dernier pointait le doigt. Ce qu’ils virent leur arracha des cris de surprise. Un mince filet de fumée se balançait au gré des vents. Il provenait d’un feu allumé en bordure de l’immense foret. D’où ils se tenaient, ils ne purent voir personne autour de ce feu, mais inspectant les alentours ils aperçurent des chevaux qui paissaient.

- Mais ! … Ce sont nos chevaux ! Constata Korthord l’air incrédule. Comment ont ils pu arriver la ?

- On va l’apprendre tout de suite, lui dit Zohan. Descendons vers ce feu !

Ils reprirent leur descente, moitié marchant, moitié courant des qu’ils le pouvaient. Ils arrivèrent enfin dans la vallée. L’herbe y était grasse et abondante, mais ils n’y prêtèrent aucune attention. S’orientant à l’aide de la fumée qu’ils voyaient planer au-dessus des arbres, ils se dirigèrent vers l’endroit ou ils avaient vu leurs montures. Il y découvrirent Myriana, les attendant, un air de défi sur le visage, l’épée à la main.

- La sorcière… murmura Kemald.

- Comment es tu arrivée ici, lui cria Zohan, et pourquoi as tu une épée ?

- Toujours des questions ! Lui répondit la jeune fille. Enfin puisque tu veux tout savoir, je suis passée par un tunnel creusé sous la montagne, et non par les airs comme ton ami semble le supposer. En ce qui concerne l’épée, c’est juste au cas ou vous voudriez me ligoter une nouvelle fois.

- Et depuis quand les femmes portent-elles des armes ?

- Depuis qu’elles savent se battre tout simplement, lui répliquât ‘elle avec un sourire.

- Je vais lui donner une correction dont elle se souviendra, grommela Kemald.

Zohan le retint par le bras.

- Attends ! Lui dit il, puis se retournant vers Myriana, il reprit : Quel est ce tunnel dont tu parles, il n’existe pas que je sache.

- Si, il existe puisque je l’ai emprunté. Et il est normal que tu n’en connaisses pas l’existence car il n’est indiqué sur aucune de vos cartes. Il date d’avant le cataclysme. Et de toute façon, tu en auras la preuve au retour.

- Au retour ? Tu t’imagines peut être que tu nous accompagnes ?

- Je ne me l’imagine pas. Je viens avec vous. Il le faut !

- Quoi ? Mais qui es tu donc pour oser me donner des ordres ? s’exclama le jeune prince.

- Je suis Myriana, lui répondit elle d’un air solennel. Fille de la Terre et gardienne du Savoir. Je suis La Sentinelle !

- Que racontes tu ? demanda Tallié, Quel savoir, sentinelle de quoi ?

- Les explications viendront en temps voulu, lui répliqua t’elle, je ne suis pas la pour expliquer mais pour protéger.

- Protéger qui ? Et contre quoi ??

- Plus tard !! Lui ordonna t’elle en s’asseyant auprès du feu. Pour le moment, vous aimeriez peut être vous restaurer. La nuit ne va pas tarder à tomber.

Zohan retint une fois de plus Kemald qui bouillait à ses cotés. L’insolence de la jeune fille était pour lui une insulte.

- Calmes toi, lui enjoignit il.  Je crois que nous n’en tirerons rien de plus à présent. Installons nous, et laissons la nous accompagner demain. Il me semble que nous avons beaucoup de choses à apprendre d’elle.

Sur ces mots, il alla prendre place aux cotés de Myriana. Ses compagnons le suivirent sauf Kemald qui préféra rester éloigné de la « sorcière », et Yorick, son amour des végétaux prenant le dessus, qui décida d’examiner de plus près la végétation.

- C’est extraordinaire, commenta t’il, ces plantes me sont totalement inconnues. Certaines présentent quelques ressemblances avec celles que l’on trouve dans l’empire au niveau de la forme des feuilles, mais cela s’arrêta la. Si je ne savais pas ou je suis, je dirais que l’on a changé de monde ! C’est merveilleux…

Le reste de ses paroles se perdit lorsqu’il commença à s’éloigner du groupe. Ses compagnons n’entendirent plus bientôt que des Ho et des Ha de stupéfaction et d’admiration.

Zohan s’était assis à coté de Myriana et l’observait à la dérobée. Ce qu’elle leur avait dit le rendait perplexe. Pour lui, une femme n’était avant tout que la servante de l’homme ; et voilà qu’il se trouvait face à celle-ci, prête à se défendre pour protéger sa vie, et se permettant de leur donner des ordres. Il ne comprenait plus, toute son éducation, ainsi que la vie dans l’empire, étaient basées sur l’infériorité des femmes. Mais il était malgré lui comme impressionné par la grandeur d’âme et la force de caractère qui émanait de cette jeune fille. Il se tourna vers elle.

- Excuses moi de te questionner encore, mais tu peux comprendre mon étonnement. Tu as l’air de connaître ces régions, tu dis te nommer sentinelle, gardienne du savoir, tu portes des armes. Je dirais que tu te conduis comme …

- Comme un homme, n’est ce pas ce que tu allais dire, finit elle avec un sourire. Et c’est cela que tu as du mal à admettre. Que veux tu, tout dépends de l’éducation que l’on reçoit. Je ne peux pas te donner beaucoup d’explications, le moment n’est pas venu. Tout ce que je peux dire c’est que je suis ici pour vous guider.

- Tu connais vraiment les Territoires du Sud ?

- Non je n’ai jamais dépassé cette limite que représente la foret, mais j’ai étudié des cartes anciennes et je sais ou se trouve votre but.

- Notre but ! Mais nous ne savons pas nous même ou nous allons ! Nous ne sommes là que pour découvrir l’origine de ce bruit.

- Je pense qu’il s’agit du même endroit. Ce bruit m’est aussi inconnu que pour toi. On ne m’en a jamais parlé.

- Qui on ?

- Les Anciens…

Ils interrompirent leur conversation en entendant les cris d’épouvante poussés par Yorick. Ils se levèrent tous, et se précipitèrent, armes à la main, en direction des hurlements. L’horreur se peignit sur leurs visages lorsqu’ils virent le jeune homme grimpé dans un arbre essayant de repousser à l’aide d’une branche une gigantesque araignée. Plus grande qu’un cheval, elle s’acharnait à tenter d’attraper le jeune homme au moyen de deux énormes mandibules. Au bruit que firent les jeunes gens en arrivant, elle se retourna, et, découvrant de nouvelles proies plus accessibles, se dirigea de son pas pesant vers eux. Voulant prouver que sa réputation de bravoure n’était pas surfaite, Cosar se porta en avant, l’épée prête à frapper. Mais il n’eut pas le temps de terminer son geste, une des pattes du monstre le frappa sur le torse, le projetant ainsi contre un arbre, ou il sombra dans l’inconscience. Zohan fit signe à Kemald et Korthord de prendre l’araignée à revers, afin de pouvoir l’attaquer de tous les cotés à la fois. Il tenta de retenir Myriana en arrière pour la protéger, mais celle-ci ne se laissa pas faire, et se retrouva très vite à combattre à ses cotés. Attaquée de partout, la bête se défendait avec rage. Repoussant tantôt l’un, tantôt l’autre à l’aide de ses huit pattes, sans toutefois réussir à les toucher. Enfin Kemald, armé de sa hache, parvint à lui sectionner une patte arrière. La voyant déséquilibrée, Korthord en profita pour lui enfoncer son épée dans l’abdomen. La bête poussa un hurlement strident, se retourna en claquant des mandibules. Blessée à une partie vitale, elle s’affaiblit rapidement, les combattants purent alors terminer leur assaut. La tête tranchée du monstre roula sur le sol. Epuisés, les épées couvertes du sang de l’animal, les jeunes gens observèrent ses derniers soubresauts. La fatigue due au combat les rendait muets. Yorick, descendu de son perchoir, se précipita vers Cosar, qui lentement, reprenait connaissance.

- Qu’est ce qui s’est passé ? Gémit Cosar. Ha oui ! L’araignée ! reprit il en tentant de se remettre debout.

- Ne t’agites pas ainsi, lui conseilla Yorick, elle est morte.

- Tant mieux ! Quel monstre ! J’espère qu’elle était seule !

Zohan et Tallié, après avoir nettoyé leurs épées dans l’herbe, s’étaient rapprochés du jeune homme allongé.

- Ca va ? Lui demanda Zohan. Tu peux te lever ?

- Oui, je crois… je suis juste un peu sonné. J’ai l’impression que ma tète a heurté une montagne.

Il tenta de se lever, mais dut se rasseoir en gémissant de douleur. Yorick l’examina et ne put que constater qu’il avait la cheville foulée.

- Rentrons au camp, nous pourrons le soigner la-bas

Ils reprirent le chemin de leur campement, Korthord soutenant Cosar. Kemald retint Myriana, et lui fit signe de rester un peu en retrait.

- Que veux tu ? Lui demanda t’elle.

- Juste te dire que tu te bats bien… pour… heu… pour une femme.

La jeune fille éclata de rire.

- Ho ! Venant de toi je suppose qu’il s’agit d’un compliment. Mais un jour je te prouverais que je peux me battre aussi bien que toi… si ce n’est mieux.

Le plantant là sur ces paroles, elle rejoignit les autres en riant toujours. Kemald reprit son air renfrogné qui ne le quittait pratiquement jamais, et donnant un coup de pied de rage dans un caillou, il suivit ses compagnons en pestant contre cette femme qui osait lui tenir tête.

Pendant que yorick bandait la cheville du blessé, Zohan tint conseil. Il se tourna d’abord vers Myriana et l’interrogea.

- Apres ce que nous venons d’affronter, il est temps, tu ne crois pas, de nous en dire plus. Qu’est ce qui nous attends au cœur de cette foret ?

- Je suis désolée, mais je n’en sais rien. Comme je te l’ai déjà dit, je n’ai jamais dépassé cette limite. Tout ce que je connais des Territoires du Sud, ce sont des cartes qui me l’ont appris. Je n’ai aucune idée des mutations qu’ont pu subir les animaux ici, ni de ce que l’on va rencontrer.

- Peux tu au moins nous indiquer quelle direction nous devons prendre ?

- Sud-ouest. Il faut traverser cette foret en direction du sud. Nous devrions normalement rencontrer un fleuve ou du moins le lit asséché d’un ancien fleuve. A partir de là, il faudra prendre à l’ouest. Ce fleuve est le seul point de repère.

- As tu une de ces cartes sur toi ?

- Non… Les Anciens les conservent et ne les confient à personne. Ils ont peur qu’elles ne tombent en de mauvaises mains.

- Les Anciens dont tu parles sont ceux de ton village. Mais ou se trouve t’il exactement ?

- A l’est…

- A l’est il y a Karum et Port Pierce, c’est dans ces régions ?

- Non. Plus a l’est encore…

- Mais plus loin c’est l’océan, et il n’y a rien au-delà des mers…

Voyant qu’elle en avait peut être trop dit, Myriana s’enferma dans un silence profond.

- J’ai compris, tu ne nous diras rien de plus. De toute façon, ce n’est pas l’essentiel en ce moment. Voilà comment nous allons procéder. J’avais pensé faire plusieurs groupes afin de trouver l’origine de ce bruit, mais vu les dangers que nous allons rencontrer, il vaut mieux rester groupés. Myriana nous servira de guide. En ce qui concerne le matériel, si nous devons combattre d’autres sortes de monstres tels que cette araignée géante, il nous faudrait des lances solides. Kemald ! Korthord ! Vous pouvez vous occuper de cela ?

Les deux hommes acquiescèrent de la tête, et se dirigèrent vers les bois afin de couper des branches pouvant faire office de moyen de défense contre les araignées.

Zohan se tourna alors vers le jeune biologiste :

- Yorick ! avant de te faire attaquer, tu as eu le temps d’observer la végétation, tu peux nous en dire plus ?

- Bien… j’ai remarqué plusieurs choses étranges. D’abord la plupart de ces arbres me sont totalement inconnus. Mais certaines espèces présentent des similitudes avec nos plantes potagères. Par exemple, je suis tombé sur un arbre qui bien qu’ayant la taille d’un arbre, ressemblait étrangement à … heu … du persil, et un autre à du thym, même l’odeur était semblable, plus entêtante parce que plus forte, mais comparable. Je pense qu’il s’est ici produit quelque chose qui a entraîné un grossissement de ces plantes, une  chose identique a du arriver à l’araignée.

- Penses tu que d’autres animaux ont pu ainsi devenir énormes ?

- Oui… Mais seulement les insectes, car d’après ce que j’ai constaté, il n’y a que ce qui est chez nous de très petite taille qui a subit cette mutation ? les autres animaux, s’il y en avait, ne doivent pas avoir survécu, surtout s’ils ont du disputer leur territoire à de tels monstres.

- Bien.. Pour ce soir il ne nous reste plus qu’à prendre du repos. La journée de demain sera rude… Au fait Myriana, tu peux peut être nous dire combien de temps il nous faudra pour atteindre notre but ?

- Si tout se passe bien, et en allant vite, environ 3 à 4 jours. L’endroit ou nous allons est en plein cœur des Territoires du Sud.

- Merci. Oui ? Yorick ? tu voulais rajouter quelque chose ?

- Heu… Oui .. C’est au sujet de la garde de cette nuit. Bien.. Voilà.. J’aimerai prendre le premier tour.

Zohan le regarda, étonné. Il avait oublié son erreur de la nuit passée, et il pensait que sa rencontre avec le monstre l’avait quelque peu échaudé. Mais malgré une petite appréhension qu’il ne se rendormit, Zohan hocha la tête en signe d’assentiment.

7 mars 2009

Chapitre V - 1 -

Un rayon de soleil frappa la joue de Zohan, irradiant une douce chaleur. Celle-ci bien agréable au début, se transforma vite en un picotement déplaisant. Zohan agita la main contre sa figure pour chasser ce qui le dérangeait ainsi. Puis il ouvrit les yeux, et reçut l’aveuglante lumière du soleil en plein visage. Il se leva d’un bond, constatant que la matinée était déjà bien avancée. Il secoua Tallié pour l’éveiller, en maudissant celui qui avait pu les laisser dormir si longtemps. Il laissa son ami s’occuper de leurs compagnons, et parti en direction de l’endroit ou Yorick devait en théorie faire sa garde. Il le découvrit allongé le long de l’arbre ou il s’était adossé la veille. Il le prit par l’épaule et le bouscula rudement. Yorick ouvrit les yeux et jeta autour de lui un regard hébété. Il ouvrit la bouche, mais resta muet en entendant un cri de rage de Kemald. Zohan, oubliant pour le moment les explications qu’il désirait obtenir, se précipita vers l’endroit d’où venaient ces rugissements. Il arriva en même temps que les autres, attirés eux aussi par les cris. Ils découvrirent Kemald tenant à la main les cordes qui avaient servi à ligoter Myriana. Zohan se retourna vers Yorick qui approchait, le fusillant du regard. Puis, tachant de conserver son calme, se dirigea vers le fautif :

- Tu as vu le résultat, lui dit-il contenant sa rage, Comment as-tu pu t’endormir ainsi ? C’est de l’irresponsabilité ! Tu as vu l’état du poste de garde ! Que serait il arrivé si ce monstre était revenu ? Non mais quelle inconscience ! Tu as peut être aussi oublié l’importance de notre mission ?

- Je n’ai aucune excuse, répondit Yorick d’un air honteux. C’est ce bruit, il m’a comme hypnotisé. Je n’ai pas pu lutter contre le sommeil

- Bon on verra cela plus tard, reprit Zohan, ayant retrouvé son calme. Pour l’instant le mieux est de se mettre en route tout de suite, nous avons déjà perdu assez de temps. En ce qui concerne la fugitive, nous ne pouvons pas nous permettre de partir à sa recherche. Laissons la courir.

- Bon débarras, marmonna Kemald.

- Et de toute façon, commenta Tallié, je ne vois pas ce que nous en aurions fait.

Ils ramassèrent leur équipement, et laissant leurs chevaux sur place, entamèrent l’escalade. La route qui les avait mené jusqu’au poste de garde les conduisit vers un chemin escarpé, se perdant au cœur des bois recouvrant les monts Rimor.

- Whaou !!! Sacré balade, pesta Cosar, dommage que les chevaux ne peuvent pas grimper, surtout qu’ils nous aurait été bien utiles de l’autre coté ! Enfin ! Quand il faut y aller…

Ils entamèrent la grimpée. Le chemin qui montait tout d’abord en pente douce, se fit très vite plus raide. Les six hommes commencèrent à peiner et souffler sous le soleil. Leur équipement leur pesait sur les épaules, mais, étant d’une importance cruciale pour la suite de l’expédition ils ne pouvaient se permettre de l’abandonner. La montée était rude, et le soleil de plomb qui se rapprochait de plus en plus de son zénith, ne les arrangeait en rien. Et toujours ce bruit qui les avait accueilli au poste de garde revenait, ponctuant chacun de leur pas.

Le chemin commençait à se rétrécir, et les petits éboulis de pierres se faisaient plus fréquents. Korthord, qui marchait aux cotés de Zohan, désigna un point plus haut. Le chemin, qui a cet endroit longeait une falaise, était totalement effondré. Il ne restait qu’un petit passage, juste assez large pour poser le pied. La traversée allait être dangereuse. Le moindre faux pas et c’était la chute assurée.

- En longeant la falaise, plaqué contre la pierre, cela devrait passer, dit Zohan. Mais le mieux est de nous attacher les uns aux autres afin de pouvoir rattraper celui qui glisserait par mégarde. Korthord, vous etes le plus fort d’entre nous, vous prendrez la tête pour parer à toute éventualité.

- D’accord… Heu.. Juste un détail, je suis également le plus lourd, je passerai donc sans être encordé avec vous, vous m’enverrez la corde lorsque je serais de l’autre coté.

Korthord passa donc en tête, et se plaquant contre la pierre, commença à traverser. Tâtant du bout du pied le terrain, il progressait lentement. Arrivé au milieu du passage difficile, il s’enhardit et accéléra ses gestes. Il avançait un pied, puis cherchait sous ses doigts une aspérité, et s’y raccrochant il faisait glisser son deuxième pied. Le sol sous ses pas était friable, et de petites pierres se détachaient à chacun de ses mouvements, provoquant ainsi de mini éboulements. Soudain, au moment ou il posait son pied avec plus de lourdeur, le sol se déroba sous lui ; Il eut juste le temps de prendre son élan et de sauter de l’autre coté. Là, il fit signe à Zohan de lui lancer la corde. Il l’attacha autour de sa taille et entreprit d’aider ses compagnons à franchir le passage.

Zohan s’encorda, et, au signal de Korthord débuta la traversée. Cosar le suivait de près, de même que Tallié. Kemald en était à mi-chemin quand soudain il sentit une résistance au niveau de la corde qui enserrait sa ceinture. Il se retourna et vit Yorick, pétrifié devant le vide. Ce dernier n’arrivait pas à mettre un pied devant l’autre, son regard allant sans arrêt de ses compagnons à l’abris de l’autre coté, au gouffre béant qu’il lui fallait franchir pour les rejoindre.

- Je … je ne peux pas, se lamenta t’il.

- Ne regardes pas en bas, lui cria Tallié, allez avances !!!

Yorick ferma les yeux, posa un pied sur la petite corniche et s’engagea en tâtonnant. Kemald, le voyant avancer, repris sa route. Il était presque arrivé au bout quand il entendit un éboulis et un cri poussé par son compagnon de cordé. La corde se tendit brusquement. Il s’arc-bouta pour ne pas être entraîné dans la chute de Yorick. Celui-ci était blanc comme un linge, il ne se débattait même pas de peur de voir la corde s’user contre la pierre et le précipiter dans une mort certaine. Korthord et les autres incitaient Kemald a sauter à leur coté pour pouvoir le remonter plus facilement. Mais c’était sans compter sur la force peu commune du guerrier. Celui ci banda ses muscles Prenant appui sur la pierre, il ancra fermement ses pieds dans le sol, et entreprit de remonter son infortuné camarade a bout de bras. Il attrapa la main du malheureux et le guida à l’abri sur le chemin. Yorick tomba à genoux sur la pierre, pale et haletant. Ses amis le laissèrent reprendre son souffle, tout en félicitant Kemald pour son adresse, sa force et sa présence d’esprit. Yorick entre deux suffocations le couvrait de remerciements, disant n’avoir jamais vu la mort de si prêt, et affirmant qu’il serait à jamais son débiteur.

Kemald se contenta de sourire, ne trouvant rien d’exceptionnel à son geste, et après avoir aidé le jeune naturaliste à se relever, reprit la montée sans attendre.

Pendant ce temps, Myriana, qui était restée cachée près du camp, sortit du couvert des arbres. Elle avait vu les six hommes entreprendre l’escalade de la montagne et avait attendu qu’ils aient totalement disparu pour bouger. Elle avait entendu Zohan parler d’une mission importante et cela la laissait songeuse.

- Quelle est cette mission dont il parlait, se demanda t’elle. Et pourquoi se dirigent-ils vers les Territoires du Sud ? Ils ne sont pas ici par hasard comme je le croyais. Peut être le moment est il enfin arrivé… Il faut que je sois présente, il ne dois pas y avoir d’erreur de commise.

Tout en réfléchissant, elle avait rassemblé les chevaux. Elle sauta sur l’un d’eux et, entraînant les autres à sa suite, entreprit de longer les montagnes vers l’ouest. Aucune route, ni chemin ne menait dans cette direction, mais elle semblait savoir ou elle allait. Elle évitait tous les obstacles comme si cette piste lui était très familière. Ayant chevauché ainsi sur quelques kilomètres, elle obliqua sur sa droite, et se dirigea vers un groupe de buissons qui recouvrait le flan de la montagne. Elle démonta et écarta le rideau que formait la végétation. Elle se retrouva face à une immense caverne creusée au cœur même de la roche. A l’entrée se trouvaient une petite cabane et un enclos où paissait un cheval noir. Celui-ci hennit en la voyant arriver. Sans perdre un instant, elle pénétra dans l’habitation et en ressortit presque aussitôt, portant une selle, des sacs, un arc sur l’épaule et une épée au coté. Elle harnacha l’étalon, puis attrapant la bride des six autres chevaux qui l’avait suivi jusque là, sauta en selle et se dirigea vers le fond de la caverne. La lanterne qu’elle tenait à la main éclairait les parois qui luisaient en raison de l’humidité, mais ne révélait rien du fond de la caverne. En fait, plus Myriana avançait, plus le fond semblait s’éloigner d’elle. La caverne s’avérait être un immense tunnel qui passait sous la montagne. La route qu’il formait était envahie par les herbes, et de temps en temps un éclat de métal transparaissait, frappé par le halo de lumière qui entourait la jeune fille. Elle laissait son cheval la guider vers la sortie, se contentant de retenir et de rassurer les autres bêtes quelque peu effrayées par l’endroit sombre vers lequel elle les entraînait. Son étalon avançait droit devant lui sans faire un écart, et sans la moindre frayeur ; il semblait très bien connaître cette route, comme si il l’avait souvent parcourue.

Une faible lueur commença à apparaître au loin devant eux. Elle approchait de la sortie. La clarté apparaissait par endroit, au travers d’un mur de feuilles. La jeune fille descendit de cheval pour actionner un levier  remontant ainsi la herse qui bloquait la sortie du tunnel. En se relevant, les barreaux de fer entraînèrent avec eux la végétation qui retombait, masquant aux regards non avertis l’ouverture du souterrain. La lumière se fit plus vive, et les chevaux hennirent leur bonheur de quitter enfin cet espace sombre. Myriana, éblouie par le soleil, leva la main à son visage. Elle attendit que, peu à peu, ses yeux se réhabituent à cette clarté, puis, scrutant la montagne pour tenter d’apercevoir les six hommes, elle obliqua vers l’est afin de se rapprocher de l’endroit ou ils devaient arriver.

Ceux-ci poursuivaient leur chemin. Ils progressaient lentement. Le premier passage difficile qu’ils avaient rencontré s’était suivi de plusieurs autres. Ils avaient du à chaque fois s’arrêter pour s’encorder et traverser chacun à leur tour. Yorick devait rassembler tout son courage pour lutter contre le vertige qui le prenait à chaque fois. La mort qu'il avait frôlée de si près ne le rendait pas prompte a jouer de nouveau les équilibristes au bout d’une corde.

Toutefois, ils approchaient du sommet. Le chemin qu’ils avaient suivi jusque là se fit plus plat et les mena vers un étroit passage entre les cimes des deux montagnes. Là, ils émergèrent sur une sorte d’esplanade, entourée de murs. Ils découvrirent, presque enseveli sous un amas de pierres, les ruines d’un ancien poste de garde, détruit depuis fort longtemps. Ils étaient arrivés aux limites des territoires connus de l’Empire. Zohan stoppa ses compagnons et leur proposa de se reposer un moment.

- Ouf ! Soupira Cosar, la montée a été rude. Espérons que la descente le sera moins.

Tallié, curieux d’avoir un aperçu des territoires du sud, se rapprocha du mur qui entourait le terre-plein et se penchant par-dessus.

- Voyons, fit –il. Ho non ! On ne voit quasiment rien en dessous, il y a une sorte de brume qui entoure les montagnes. C’est tout juste si on appercoit le cime des plus hauts arbres.

- De la brume dis-tu ? , le reprit Zohan. Nous ferions mieux de nous dépêcher de descendre avant qu’elle ne s’épaississe trop.

A la suite de Zohan, ils reprirent leur route. Le chemin, bien que caillouteux et tortueux, ne leur posait aucune difficulté. Seuls les cailloux qui roulaient sous leurs pieds les obligeaient à une vigilance et un équilibre de chaque instant, s’ils ne voulaient pas terminer la descente en glissant sur plusieurs mètres. Ils descendirent assez rapidement pourtant, ne rencontrant aucun des obstacles qui les avaient ralenti lors de l’escalade. Ils avaient à peine fait un tiers de la descente lorsqu’ils furent rattrapés par le brouillard. Les sons de leurs pas furent étouffés et ils durent ralentir l’allure afin de distinguer les éventuelles difficultés qui pourraient survenir.

6 mars 2009

Chapitre IV - 2 -

Les étoiles brillaient encore dans le ciel lorsque les six hommes sortirent de la maison de Paldir. Celui-ci avait tenu à se lever en même temps qu’eux afin de pouvoir leur faire ses adieux. Yorick l’embrassa et le remercia au nom de ses amis, lui recommandant une dernière fois de ne toucher mot à personne de leur brève visite.

Pour sortir de la ville, Zohan et ses compagnons prirent leurs chevaux par la bride afin de les mener au pas à travers les ruelles. Les sabots de ceux-ci claquaient sur le pavé et résonnaient au cœur de la petite cité endormie. Le ciel palissait à peine lorsqu’ils franchirent les portes de Pucal et mirent leurs montures au galop. L’air frais leur foutait le visage, et la rosée du matin formait sur leurs cheveux et leurs vêtements un manteau de milles scintillements. Ils galopèrent en direction de la foret de Melth qu’ils allaient devoir traverser.

La matinée était déjà bien avancée lorsqu’ils arrivèrent en vue de la foret. Zohan leva un bras pour faire signe à ses compagnons de ralentir. La traversée de ces bois était réputée comme peu sure en raison du brigandage qui sévissait dans la région. Kemald se porta à la hauteur de Zohan, mit la main à son épée, et ils pénétrèrent sous les arbres. La température, qui n’avait cessé de monter au fur et à mesure que le soleil approchait de son zénith, décrue rapidement. Et , avec elle, diminua également la lumière, les rayons du soleil parvenant difficilement à passer au travers de la cime touffue des arbres. Les oiseaux se taisaient à l’approche des cavaliers, effrayés par cette présence inattendue. Du petit gibier traversait la route, courrant se terrer a l’abris de leur tanière.

Les six hommes, indifférents à ces mouvements animaliers, poursuivaient leur route. Ils étaient aux aguets, tachant de percevoir le moindre son sortant de l’ordinaire. Pourtant tout semblait calme. Ils n’entendaient que le bruit d’une chute d’eau. En effet le fleuve Moir traversait le foret et finissait sa course en une magnifique cascade dans le lac Diurk. En tête de la troupe, Zohan et Kemald aperçurent le miroitement du lac aux travers des arbres qui commençaient à s’espacer. Le chemin s’élargit et les buissons remplacèrent les arbres. Le lac apparut au détour du chemin dans toute sa splendeur. Le soleil frappa les six hommes en plein visage, ils étaient sortis de la foret. Ils continuèrent d’avancer en longeant le bord du lac, jusqu'à ce qu’ils soient suffisamment éloignés des bois de si mauvaise réputation. Zohan repéra alors une petite crique sablonneuse bordée de buissons et de petits arbres. Il fit signe à ses compagnons de se diriger vers cet endroit ou ils mirent pied à terre pour se restaurer.

Pendant que Korthord et Kemald menaient les chevaux près de l’eau pour qu’ils puissent se désaltérer, Yorick partit en quête de petit bois afin de faire un feu pour préparer le repas. Le déjeuner fut de courte durée, aussi purent-ils prendre un temps de repos tandis que leurs montures, tout en broutant à l’écart, reprenaient des forces.

Zohan réunit ses compagnons autour de lui et entreprit de faire un plan dans le sable. Celui-ci représentait la dernière partie de leur parcours, la traversée du fleuve, aussi et surtout celle de la foret Rimor.

- Voilà où se situe l’ancien poste de garde, leur dit Zohan en montrant un point dans le sable. Il y a, je crois, un chemin escarpé qui mène tout en haut. A moins qu’il ne soit coupé, il ne devrait pas y avoir trop de problème.

- Excusez moi, le coupa Korthord, en ce qui concerne ce chemin, j’en ai parlé à messire Rhaa. Il avait interrogé le garde qui est monté au sommet pensant que ces renseignements nous seraient utiles. Hé bien jusqu’à mi-chemin il n’y aura aucun problème, ensuite ce sera plus difficile. Il y a plusieurs endroits ou la pierre s’est effondrée, de plus nous aurons pas mal d’endroits à escalader. Heureusement que nous avons des cordes.

Les six hommes étaient trop occupés par leur plan pour remarquer une certaine agitation au niveau des chevaux. Ceux-ci semblaient très fébriles, ils piaffaient et tapaient nerveusement du pied. Soudain, ils se mirent à hennir. Zohan ,intrigué, se retourna voir ce qui pouvait les agiter ainsi, et constata avec stupéfaction qu’un jeune homme s’était glissé près d’eux et se préparait à fuir avec celui de Korthord. Zohan poussa un cri et parti en courrant pour le rattraper. Il sauta sur son cheval et commença la poursuite. Ses compagnons restèrent sans réaction devant la vitesse à laquelle se produisit ces évènements.

Zohan poursuivait toujours le jeune voleur, celui-ci perdait du terrain ne parvenant pas à maîtriser complètement la bête. Kemald se préparait à aller porter secours au jeune prince lorsqu’il vit celui-ci arriver à hauteur du fuyard. Il le suivit tout de même pour , si besoin était, l’aider à le maîtriser. A ce moment, Zohan lâcha la bride de sa monture, prit son élan et sauta sur le cheval de Korthord, espérant une fois assis derrière le voleur, le forcer à s’arrêter. Mais il calcula mal son saut et perdit l’équilibre, entraînant le fugitif dans sa chute. Le malfaiteur, plus leste que lui, se roula en boule afin de tomber sans mal. Il se releva plus vite et repris la fuite. Zohan se redressa, légèrement sonné, et voyant son voleur s’enfuir à toutes jambes, il se remit à le pourchasser. Ils coururent ainsi sur une dizaine de mètres, Zohan gagnant du terrain à chacune de ses immenses enjambées. Il réussit à le rattraper et le plaqua au sol en lui sautant dans les jambes. Le jeune voleur se débattait sous lui. Zohan décida de l’assommer d’un coup de poing pour qu’il se tint tranquille. Il le retourna, le chapeau qui cachait les cheveux de l’inconnu et une partie de son visage roula dans l’herbe, laissant couler une magnifique chevelure brune. La surprise arrêta le geste de Zohan.

- Une femme !!! S’écria t’il, s’étranglant à moitié de stupéfaction.

- Vas tu me lâcher espèce de porc !! hurla la jeune femme en se débattant de plus belle, le visage rouge de fureur, ses yeux verts lançant des éclairs.

Voyant que sa proie risquait de lui échapper à force de se démener, Zohan fini pas abattre son poing et étourdir son adversaire.

Kemald arriva sur ces entre-faits, ayant fini par récupérer les deux chevaux. Il lança une corde à Zohan afin que celui-ci puisse attacher « son voleur ». Il haussa un sourcil d’étonnement en voyant le visage de la jeune femme, marmonna quelque chose à propos d’une sorcière, et, laissant leur chef se débrouiller seul, lui jeta la bride des montures qu’il avait rattrapées et fit faire demi-tour a son cheval.

Zohan hissa sa captive, toujours évanouie, en travers de la selle de l’un des chevaux. Il prit ensuite les rênes des deux montures et s’en retourna auprès de ses compagnons.

- Alors tu l’as enfin attrapé ce voleur, lui cria Tallié. On peut dire qu’il t’en a donné du mal… Bon voyons un peu a quoi il ressemble… Kemald est plus renfermé que jamais, impossible de savoir la moindre chose avec lui.

Tallié attrapa alors la ceinture de la captive, et la fit tomber lourdement sur le sol. Il resta muet de stupeur en découvrant qu’il s’agissait d’une femme. Le rire moqueur de Cosar éclata alors dans le silence.

- Ha ha !!! Une femme !!! Te voilà devenu un coureur de jupons Zohan !! Tant de peine pour une femelle !!! Ha ha ha !!!

- La paix Cosar ! lui ordonna Zohan d’une voix sourde, femme ou pas, c’est une voleuse et la question est de savoir ce que nous allons en faire.

- La pendre, lui répondit Kemald d’un air sombre, c’est le châtiment réservé aux voleurs.

- Hé doucement, répliqua Zohan, nous ne sommes pas ici pour rendre la justice nous même

- Justement, rétorqua Korthord, vous semblez oublier que nous avons une mission à remplir. Et nous n’allons pas nous encombrer avec une femelle. Sa place n’est pas avec nous, ni ici d’ailleurs.

- C’est vrai ça, dit Tallié, que peut ‘elle bien faire ici, au lieu être chez elle comme toutes ses comparses.

- Ca on le lui demandera quand elle sera réveillé, dit Yorick, mais de toute façon je suis d’accord avec Zohan, on ne peut décemment pas appliquer la loi nous même On devrais l’emmener avec nous et la laisser au prochain poste de garde que nous rencontrerons. La ils s’occuperont d’elle, la jugeront et la condamneront s’il y a lieu. De même que son mari si elle en a un, après tout il est responsable d’elle.

- Le grand sage a parlé, se moqua Cosar, et il a raison on l’emmène.

Voyant que la cause était entendue, Kemald, toujours bougonnant à propos de sorcière, se dirigea vers la jeune femme, une gourde à la main, et lui en versa le contenu sur la tête Celle-ci sortit de son inconscience en hurlant et toussant. Elle commença à se débattre pour essayer de se détacher, puis voyant que cela ne la menait à rien, elle se mit à proférer insultes et menaces envers les six hommes.

- Quel joli langage dans la bouche d’une dame, commenta Cosar, digne d’un soldat ou d’un ivrogne des bas fonds.

- Taisez vous, ordonna Zohan, ou je vous assomme a nouveau.

Il leva la main, montrant ainsi qu’il était prêt à mettre sa menace à exécution. Voyant ce geste, et surtout le regard meurtrier qu’il lui lança, la jeune femme se tut, et se contenta de les fixer de ses yeux emplis de défi.

- Quel est ton nom ? lui demanda Tallié, de quel village es tu ? et pourquoi t’es tu mis en tête de voler nos chevaux ?

- Il faudrait savoir, il faut que je me taise ou il faut que je parle ? lui répondit ‘elle avec une pointe d’ironie dans la voix.

- Tu réponds quand on te questionne, lui dit Zohan, toujours grondant. Alors ? nous t’écoutons.

- Hou la la !! Quelle humeur ! Que de tracas pour un malheureux cheval … Elle s’arrêta net, l’attitude de Zohan ne l’encourageant pas à continuer.

- Bon d’accord, je m’appelle Myriana. Je vis … heu … Elle hésita, vraisemblablement peu encline à dire la vérité. Heu … je vis à l’ouest, à l’orée de la foret Rimor. Que comptez vous faire de moi ?

- Ca tu l’apprendras bien assez tôt, repris Tallié. En attendant c’est nous qui posons les questions. Que comptais tu faire de ces chevaux ? A qui devais tu les emmener ? Qui t’as demandé de les voler ?

- Que de questions ! se moqua t’elle. Les réponses sont dans l’ordre les vendre, personne, personne. Cela vous satisfait il messires ? ou vous faut ‘il plus de précisions ?

- Elle se moque de nous ! Rugit Kemald. Comment une femelle aurait pu prendre une telle décision ? Ce n’est pas pensable !

- Calmes toi, lui dit Zohan. On tirera cela au clair plus tard. Pour l’instant, il faut que nous nous mettions en route, il nous reste du chemin à parcourir. Korthord pouvez vous prendre notre captive en croupe ?

- Pas de problème, je vais l’attacher sur ma selle comme cela elle ne s’échappera pas.

Ils se dirigèrent vers leurs chevaux, le chef des gardes traînant Myriana. Zohan éparpilla les braises, les couvrit de sable et sauta en selle.

La suite de la chevauchée se fit sans encombre. Le soleil rougeoyait à peine lorsqu’ils pénètrerent dans la foret Rimor. C’était une foret dense et touffue, mais la route qui la traversait était bien entretenue. Ils n’eurent donc aucun problème pour se frayer un chemin. Au fur et à mesure qu’ils avançaient, un bruit d’abord ténu, puis allant en s’amplifiant se fit entendre.

- Vous entendez ! dit Zohan en se retournant vers ses compagnons. Ce sont les bruits dont parlait Sa Majesté.

- On dirait que quelqu’un tape sur quelque chose, commenta Tallié, ou … plutôt… oui ! un cœur qui bat !

- Tu as raison, cela y ressemble, confirma Cosar. A nous de découvrir d’ou cela provient. J’espère seulement qu’il ne s’agit pas d’un animal, car si ce bruit est celui de son cœur, vous imaginez sa taille .

Le silence se fit. Chacun s’étant plongé dans ses propres réflexions. Les seuls bruits qu’ils pouvaient percevoir étaient le crissement des sabots sur la route, et ce son, obsédant, toujours revenant. Yorick tacha de faire le vide dans sa tête pour ne plus entendre ce bruit. Mais ce fut sans résultat. Il mit alors son cheval au galop, pour arriver plus vite et penser à autre chose. Ses compagnons qui l’avaient laissé aller de l’avant entendirent soudain un grand cri. Ils forcèrent l’allure et trouvèrent Yorick debout, comme pétrifié, devant ce qui restait du poste de garde.

- Qu est ce qui a pu…. Commença t’il .

Il ne finit pas. Ce qu’il voyait était trop incroyable pour qu’il réussisse à l’exprimer avec des mots. Le poste de garde semblait avoir récemment brûlé, mais nulle part on ne trouvais trace de feu, fumée ou même de cette noirceur qui recouvrait en général les bâtiments réduits en cendres. Le bois et la pierre étaient comme fondus. Mais au lieu de trouver des cendres par terre, ce qui aurait du résulter d’un incendie, Korthord en examinant le sol ne trouva que des sortes de fils blanc et soyeux.

- C’est bizarre, commenta t’il, on dirait de la soie, ou… attendez ! Non ! ce sont des fils d’araignées !

- Ce n’est pas possible, dit Yorick retrouvant l’usage de la parole, aucune araignée n’aurait pu faire ça !

- Quoi que cela pouvait être, reprit Cosar d’un ton pour une fois des plus sérieux, c’est partit. Et j’ai le mauvais pressentiment que cela a emmené les gardes. Regardes ces traces sur le sol, quelque chose ou quelqu’un a été traîné, et ce en direction des montagnes.

- Oui, dit Zohan. Il me semble que tout provient des Territoires du Sud. Nous devrions éclaircir cela une fois que nous serons passé de l’autre coté. En attendant je crois que tout danger est écarté pour le moment. Nous ferions mieux d’établir le camp pour la nuit.

Ils installèrent le campement à quelques mètres de la. Myriana fut attachée au pied d’un arbre. Elle n’avait pas ouvert la bouche depuis leur départ de la crique, même la découverte du poste de garde détruit ne lui avait arraché aucun mot. Elle s’était contentée de détourner la tête et de regarder ailleurs. Elle se bornait maintenant à observer les faits et gestes de ses gardiens. Zohan apprécia à sa juste valeur cette marque de courage, rare selon lui chez une femme.

Une fois qu’ils furent installés, il désigna les tours de garde pour la nuit. Yorick fut le premier, il s’installa dos a un arbre, scrutant la nuit, tandis que ses compagnons, peu à peu, s’endormaient.

La nuit était douce et étoilée. Le bruit lancinant, sans cesse revenant, de ce qu'ils avaient qualifié de coeur, agit sur lui comme une berceuse. il ne tarda pas a s'endormir pour de bon. Myriana profita de cet assoupissement pour faire ce qu'elle avait projeté durant la journée. Elle glissa ses pieds sous elle, et sortit un poignard d'une de ses bottes. Elle reussit a trancher ses liens. surveillant Yorick du coin de l'oeil, elle se faufila sans bruit dans la foret qui entourait le camp et se fondit dans la nuit
.

6 mars 2009

Chapitre IV - 1 -

Le jour se levait sur Sarkir, de légers voiles de brume environnaient la ville, étouffant les bruits de la cité qui s’éveillait. L’herbe, rendue glissante par la rosée, assourdissait les pas des deux chevaux qui s’éloignaient. Les cavaliers se retournèrent une dernière fois pour saluer Zérix qui était venu les accompagner jusqu’aux limites de la ville, puis ils mirent leurs montures au galop. Le Prince des trois vallées ne bougea pas, attendant que les deux jeunes gens ne fussent plus qu’un point dans le lointain pour remuer. Il étendit alors son bras en signe de protection et implora les dieux à voix basse pour la sécurité de ses enfants, et la réussite de leur mission. Cette prière exprimée, il se retourna lentement et repris le chemin du palais, le dos voûté, comme écrasé par le poids des évènement présents et à venir.

Zohan et Tallié chevauchaient en direction de la foret domaniale, où devaient les attendre Korthord et leurs trois compagnons. Ils avaient délibérément choisi de partir les derniers afin de rester le plus longtemps possible en compagnie de Zérix. Ils avaient passé une grande partie de la nuit à écouter les conseils de celui-ci et à se remémorer tous les bruits et légendes qui courraient sur les Territoires du Sud et la grande catastrophe. Ils étaient du reste trop énervés pour prendre du repos, et lorsque Zérix s’était retiré pour dormir, ils avaient entrepris l’étude des cartes anciennes représentant la frontière entre l’actuel empire et ce monde quasiment inconnu qu’était les Territoires du Sud. L’aube les avait surpris plongés dans ces cartes à la recherche d’un détail qui semblait leur avoir échappé.

Ils chevauchaient en silence, leurs visages ne reflétant en rien l’anxiété et la nervosité qu’ils pouvaient éprouver. La nuit qu’ils avaient passé à discuter et à réfléchir, sans un instant de sommeil, ne semblait pas les avoir affectée. Ils arrivèrent en vue de la foret de Meuhr, ils mirent leurs chevaux au pas, afin de ne pas dépasser le point de rendez-vous ou les quatre hommes les attendaient, vraisemblablement impatients de les voir arriver pour se mettre en route.

Ils aperçurent Korthord en premier, reconnaissable par sa taille imposante. Il devait dépasser les autres cavaliers d’une bonne tête. Ceux-ci se tenaient un peu à l’écart, ne désirant pas de toute évidence se mêler avec ce soldat qui n’était pas de noble origine. Voyant cela, Zohan fronça les sourcils. Il ne voulait pas qu’une inimitié naisse des le départ de cette expédition, ce qui l’entraverait gravement. Mais finalement, il ne dit rien. Il n’avait pas envie de devoir déjà abuser de son autorité, qu’il ne devait qu’aux ordres de l’Empereur, ni de la voir contrecarrée par des compagnons récalcitrants. Il pensa que les choses s’amélioreraient d’elle-même au cours du voyage. Il stoppa son cheval à leur hauteur et les salua.

- Messires… Vous connaissez tous l’importance de notre mission. Je vous propose donc de ne pas perdre de temps. En galopant bien, nous pourrons être à Pucal dans 3 jours. En avant Messieurs ! Et que les dieux nous protègent !

Sur ces mots, Zohan éperonna son cheval, prenant ainsi la tête de l’expédition, et partit en direction de l’ouest afin de contourner la foret de Meuhr. Korthord le suivit, et bientôt, parvint à sa hauteur, quoi qu’en restant un peu en retrait comme pour montrer qu’il ne contestait en rien l’autorité de Zohan. Kemald et Cosar lui emboîtèrent le pas, talonnés par Yorick, Tallié fermant la marche. Ce dernier, tout en maintenant sa monture a vive allure, observait ses compagnons. Il ne voyait de Zohan que la chevelure flotter au vent. Le corps de son ami disparaissait completement derrière la carrure de Korthord. Celui-ci était en effet immense et très musclé. Tallié appréciait à sa juste valeur la décision de l’Empereur quant au fait de les avoir fait accompagner par ce garde. Il leur serait très utile en cas de combat, de même que les deux guerriers tous deux réputés pour leur force et leur courage. Tallié remarqua que ceux-ci, bien que ne se ressemblant en rien, semblaient très amis. Ils chevauchaient cote à cote, Cosar très volubile, lançait des remarques sur le paysage, observations auxquelles Kemald ne répondait que par des hochements de tête et des sortes de grognements à peine perceptibles.

- En voilà un qu’il va falloir rendre plus sociable, pensa Tallié. Il a l’allure d’un ours, d’un très grand ours blond. En tout cas, je n’aimerais pas me frotter a lui, il a l’air presque aussi grand et fort que Korthord. Le pauvre Yorick à l’air ridicule à coté de lui, se dit-il en portant son attention sur l’homme qui le précédait. Il ne semble pas très bavard celui-la non plus. J’espère qu’il tiendra le coup, il me donne l’impression d’être fragile. Enfin ! Il apprendra peut être à se battre au cours de ce voyage.

Celui-ci, comme s’il avait pu lire dans les pensées de Tallié, se retourna vers lui et ralentit un peu l’allure de son cheval afin de venir se placer à sa hauteur.

- Tu es Tallié n’est ce pas ? Tout s’est déroulé tellement vite que nous n’avons même pas eu le temps de faire connaissance. Je voulais te dire que j’ai été très impressionné par ta supposition concernant la machine. Tu as l’air d’avoir beaucoup étudié la question.

- Etudié… non pas vraiment. Je ne vois d’ailleurs pas comment j’aurais pu le faire étant donné que, comme toi, c’étais la première fois que j’en voyais une. Mais j’ai passé une partie de mon enfance à me les imaginer et à en rechercher. Et de ce coté la, je dois le dire je suis imbattable. Comme toi au niveau des plantes si je ne m’abuse ?

- Tu as tout à fait raison, je connais la question. Mais contrairement a toi, j’ai eu la possibilité d’avoir de nombreux sujets d’étude à ma disposition. Par contre je me demande sur quelles sortes de végétaux nous allons tomber…

Il termina sa phrase sur un ton sinistre qui plongea les deux hommes dans de sombres réflexions.

- Qu’est ce qui peut bien nous attendre la-bas, se demanda Tallié. Ce qui est sur c’est que nous ne sommes pas en route pour une partie de plaisir. Qui sait combien d’entre nous reviendrons ! Enfin, se dit il, son naturel optimiste reprenant le dessus, ce n’est pas le moment de s’inquiéter. On verra en temps et en heure. Pour l’heure profitons de cette excursion.

A la tête du groupe, Zohan et Korthord chevauchaient à présent de concert. Apres avoir contourné la foret domaniale, ils avaient obliqué vers le sud, menant un train d’enfer.

Ils traversaient des collines boisées, des champs cultivées et des petits villages de paysans. Rien ne les ralentissait, et les villageois devaient se ranger sur leur passage. Ils ne laissaient derrière eux qu’un sentiment d’inquiétude de voir ces six hommes galoper vers le sud avec tant de hâte, et un nuage de poussière qui retombait en tourbillonnant. Les cavaliers ne voyaient rien de tout cela, obsédés qu’ils étaient par le but à atteindre.

Ils chevauchèrent ainsi sans relâche durant trois jours, ne s’arrêtant que pour faire souffler les chevaux, prendre un léger repas et se reposer. Le surlendemain, en fin d’après midi, ils arrivèrent en vue du fleuve Pierce. Ils ralentirent afin de ne pas rater le gué. Le passeur, un vieil homme taciturne que l’attente de clients semblait avoir usé, les fit traverser sans encombre. Ils purent alors piquer droit sur Pucal, ou ils arrivèrent avant la fermeture des portes.

Pucal était une petite bourgade sans grande animation car elle ne se trouvait pas sur un des axes routiers principaux de l’empire. Il flottait dans l’air une odeur de poissons séchés. Les habitants étaient d’ailleurs surtout des pécheurs, en raison de la proximité du lac Gnost, et de petits artisans. La rue principale dans laquelle se trouvaient les six hommes était bordée de maisons construites en bois, seules quelques-unes étaient en pierre, montrant ainsi la prospérité de leurs propriétaires. Il apperçurent une auberge et Zohan proposa a ses compagnons de s’y installer pour la nuit. Tallié qui s’était rapproché de lui, lui dit en aparté :

- Zohan, l’Empereur nous a recommandé la plus grande discrétion. Tu ne crois pas qu’avec six hommes en armes investissant l’auberge, la population va se poser des questions. Je pense que nous nous sommes déjà fait assez remarqué en arrivant ici à fond de train comme si nous avions un monstre à nos trousses.

- Tu as raison, mais la nuit tombe et je ne vois pas dans quel autre endroit nous pourrions la passer. Nous ne pouvons tout de même pas rester dehors comme les nuits précédentes, ni dormir chez l’habitant, les commentaires seraient tout aussi vifs. Peut être l’un d’entre vous a t’il une meilleure idée que l’auberge ? demanda t’il en se retournant vers ses compagnons.

Yorick hocha la tête et prit la parole :

- Paldir, le seigneur de Pucal, est un de mes parents éloignés, un cousin de ma mère je crois. Il a fait partit du conseil des diplomates, et s’en ai retiré il y a de cela dix ans. Il voulait prendre du temps pour s’occuper de ses affaires. Si nous lui expliquons que nous sommes en mission pour l’Empereur, il ne posera aucune question et nous accueillera avec plaisir. Surtout que nous ne nous sommes pas vu depuis longtemps.

- Ton idée est la meilleure que nous ayons eu jusqu’à présent. Conduis nous jusqu’à sa demeure. Nous verrons si nous pouvons lui faire confiance, ajouta Zohan a voix basse.

Yorick prit la tête et les guida à travers les ruelles jusqu’à une belle maison de pierre. Celle-ci était de taille imposante pour la ville, sans toutefois égalée en splendeur celles de Sarkir. Un domestique vint ouvrir lorsque Tallié frappa à la porte et les fit entrer, après les avoir annoncés, dans un salon. A l’entente des noms de ses visiteurs, le maître de maison se leva d’un bond de son fauteuil et se précipita pour embrasser Yorick.

- Yorick ! Mon cousin ! Comment vas tu ? Que fais tu ici ?

Il arrêta net ses interrogations en voyant le visage fermé des voyageurs. Son regard se porta sur les armes que tenaient chacun des six hommes. Ses yeux firent alors la navette entre ces armes et Yorick, quêtant sans aucun doute des réponses.

- Bonjour mon cousin. Permets moi tout d’abord de te présenter mes compagnons. Voici Zohan, Kemald, Tallié, Cosar et Korthord. Nous aimerions te demander l’hospitalité pour la nuit. Je vois bien que tu t’interroges sur notre présence en ces lieux, mais nous ne pourrons répondre à aucune de tes questions. Vois tu, nous sommes en mission pour l’Empereur.

- Je comprends, et ne vous demanderai donc rien. Mission ou pas, c’est un plaisir de te recevoir. Soyez les bienvenus messires. Ma maison est votre.

Leur hôte était un vieil homme bondissant malgré un léger embonpoint. Ses cheveux blancs lui encadraient le visage, lui donnant ainsi un air de sagesse, que contredisait une lueur malicieuse au fond des yeux. Il semblait être un homme bon et joyeux. Cette bonne humeur se devinait également sur sa figure , il avait une bouche pleine qui paraissait toujours prête à sourire, et de petites rides qui lui marquaient le coin des yeux, signe que le rire était fréquent chez lui. Il était vêtu avec simplicité d’une chemise et d’un pantalon de drap brun. La même simplicité se retrouvait dans la décoration de la pièce. Les meubles étaient en bois, sans sculpture ou décoration qui auraient pût leur donner une apparence fragile. Les fauteuils étaient recouverts d’un tissu sobre, et disposés autour d’une cheminée dans laquelle flambait un bon feu de bois.

C’est autour de ce feu que s’installèrent les cinq jeunes gens et le chef des gardes, après que leur hote les eut quitté pour, leur dit il, faire préparer leurs chambres. Ils s’assirent tous sauf Korthord qui, par un réflexe de soumission, préféra rester debout.

- Asseyez vous Korthord, lui demanda Zohan, nous sommes une équipe et vous en faites partie au même titre que nous tous. De plus, nous devons nous mettre d’accord sur la marche à suivre et, vu votre immense taille, vous serez mieux assis que debout pour discuter avec nous… En poursuivant au même rythme, nous devrions être au pied des montagnes Rimor demain en fin de journée. Ce qui nous laissera la nuit pour nous renseigner auprès des gardes présents la-bas, et prendre du repos. Nous serons alors fin prêts à entreprendre l’escalade. Ce n’est que de l’autre coté que nous pourrons décider…

Il s’interrompit en entendant la porte s’ouvrir. Paldir pénétra dans la pièce, toujours souriant, et leur annonça que le dîner était servi dans la salle à manger. Ils se levèrent donc et le suivirent.

Durant le dîner, la conversation ne porta que sur des sujets d’ordres généraux tels le commerce et l’agriculture. Paldir se lança même dans une explication de la pêche telle qu’elle était pratiquée à Pucal. Zohan apprécia le tact de leur hote qui, à aucun moment au cours du repas, ne fit allusion à leur présence pour le moins curieuse en ces lieux. Il agissait comme si cette visite était prévue de longue date. Cette même discrétion se renouvela lorsque Paldir, pour les laisser reprendre en paix la discussion qu’il avait interrompu, les pria de l’excuser, prétextant une vieille habitude de se coucher de bonne heure ; ceci tout en les invitant à profiter des installations de la maison.

- Charmant ton cousin, Yorick, lui dit Tallié une fois que Paldir fut sorti, oui vraiment charmant.

- En effet, répondit Cosar, tu as eu une excellente idée en nous faisant venir ici. De la bonne nourriture, un bon lit pour la nuit, une maison agréable. Voilà qui me plait, il ne manque rien à mon bonheur.

- Ne rêves pas trop Cosar, marmonna Kemald, ce n’est que pour une nuit.

- Tu as raison, reprit Tallié. Dans deux jours nous aurons escaladé les montagnes. Et la, d’après toi Zohan, quelle serait la meilleure stratégie à adopter ?

- Je ne sais pas, lui répondit son ami. Tout dépendras ce que l’on trouveras la-bas. Il ne faut pas oublier ce qui est arrivé aux autres missions. Personne n’est revenu, donc il va nous falloir agir avec prudence… Oui Korthord ? Vous vouliez ajouter quelque chose ?

- Oui je voulais juste attirer votre attention sur les faits qui ne sont plus les mêmes qu’autrefois. Nous n’aurons plus à lutter contre le désert et la chaleur. D’après ce que m’a dit messire Rhaa, les plantes ont poussé, et ce de façon anormale à première vue. Je crois qu’il faut se mettre en tête que ce qui est arrivé aux végétaux a pu aussi se produire sur des animaux. Nous aurons peut être a affronter des créatures aussi étranges que dangereuses. Il va donc falloir pratiquer cette exploration avec des grandes précautions.

- Précaution !! Prudence !! , S’écria Kemald. Vous n’avez que ces mots à la bouche ! Qu’avez vous donc fait de votre courage ?

Zohan lui jeta un regard noir, n’admettant pas que l’on puisse mettre sa bravoure en doute.

- Du calme ! lui intimida t’il, il n’est pas ici question de courage, mais de sagesse. Je voudrais que nous puissions tous rentrer, vois tu, et en un seul morceau de préférence afin de pouvoir rendre compte de notre mission auprès de Sa Majesté. Quand à notre courage, tu pourras constater qu’il est aussi intact que le tien lorsque le moment sera venu. Et puis, n’oublies pas que Korthord est chef des gardes de l’Empereur. Il ne serait certainement pas parvenu à ce poste s’il avait manqué de courage… Ni même de sagesse, ajouta t’il pour appuyer ses dires.

Le coup porta. Kemald se renfrogna un peu plus, tandis que Cosar éclatait de rire, se répandant en moqueries sur son ami.

- Assez Cosar ! N'en rajoutes pas, je crois qu'il a compris, le coupa Zohan. Bon messires, je crois que nous ne pourrons rien décider de plus avant d'être sur place. Pour ce soir, le mieux a faire est d'aller nous coucher afin d'être en forme demain à l'aube. Bonne nuit.

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La terre oubliée
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